Monnaie

 L'objectif de cette page est de développer la réflexion  suivante: Pourquoi la parité     dinar/devises étrangères en Algérie est-elle la plus basse du maghreb?


Vous trouverez ici les articles publiés par les docteurs et professeurs: S. Bellal, B. Elbaqui, A. Mebtoul, A. Benbitour, Frdmund Malik, Ammar Belhimer,
L'ordre de publication suit celui de leur édition dans la pressse

Seule une réévaluation du dinar rendra leur dignité aux Algériens qui ne seront pas obligés de s'approvisionner en produits contrefaits : DVD, ordinateurs, paraboles, etc.


Algérie: salaires les plus bas du Maghreb et de la région MENA: Ce qui prouve que l'inflation n'est pas due à l'excès de liquidités mais à la rareté des produits mis sur le marché

http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/salaires-le-maroc-compare-a-l-116168


Dévaluation du DA de plus de 300% depuis 1995!!!
De 20 dinars en moyenne pour un dollar en 1990, il est passé à fin 1994, date du rééchelonnement, à 40 dinars pour un dollar. Actuellement il est de 75 §

Depuis, nous assistons à des dévaluations périodiques dont la dernière en date est le 25 décembre 2011, approchant actuellement à la vente plus de 75 dinars pour un dollar, soit une dévaluation de plus de 300% depuis 1995. Le verdict est de l'économiste Abderrahmane Mebtoul. Selon lui, la dépréciation du dinar est d'autant plus ressentie que la facturation de nos importations se fait en euros et les exportations en dollars, pénalisant tant les opérateurs économiques que les ménages algériens puisque les exportations constituées essentiellement d'hydrocarbures à l'état brut et semi-brut représentent 98%.
(Article de presse)










Dangers de la dévaluation monétaire: 

 http://algeriepatriotique.com/article/badreddine-nouioua-une-devaluation-du-dinar-sera-desastreuse-pour-le-pays




La Banque d'Algérie dévalue simultanément le dinar  par rapport au dollar et à l'euro

C'est quoi t'esse?:

"Puisque les ventes d'hydrocarbures sont reconverties du dollar au dinar, tout dérapage rampant du dinar par rapport au dollar, «gonfle artificiellement le Fonds des recettes et voile l'importance du déficit budgétaire», indique le Pr Mebtoul. Cet artifice d'écritures explique que bien que «la cotation du dollar et de l'euro n'évoluent pas dans le même sens, souvent la Banque d'Algérie dévalue simultanément le dinar à la fois par rapport au dollar et à l'euro, ce dernier renchérissant les importations des produits également écoulés sur le marché national en dinars dont la valeur finale, sans compter les coûts des circuits de distribution, est amplifiée par les taxes douanières calculées sur la valeur import en dinars»"

Par
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La banque d'Algérie défend sa politique monétaire
Un relèvement du taux de change du dinar algérien  par rapport à l'euro et au dollar, tel que le souhaitent certains opérateurs  économiques, serait un "cadeau empoisonné" aux entreprises industrielles locales  qui peinent à résister à la concurrence des produits importés, a indiqué jeudi  à Alger un conseiller à la Banque d'Algérie (BA). 
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On ne peut pas exporter quand l'industrie est embryonnaire.
(…) Allons-nous passer notre vie à penser et à réfléchir aux solutions de problèmes que nous traînons depuis toujours? Quand cessera cette réflexion? Quand passerons-nous à l'action? L'état des lieux est vite fait. On ne peut pas exporter quand l'industrie est embryonnaire. Des industriels algériens de l'agroalimentaire ont réussi à placer leurs produits même aux Etats-Unis et au Canada. Potentiellement c'est tout. Dire que c'est la faute à la qualité, la performance de nos produits c'est vrai et faux à la fois. C'est vrai qu'il faut accompagner les producteurs dans l'incontournable mise à niveau. C'est également faux car c'est l'absence d'industrie qui ne permet pas l'exportation. A la vérité, il faut impérativement ajouter la quantité à cette qualité qui prend des allures d'alibi. Il fut question, il y a quelques années, de mise en place d'une stratégie industrielle. Puis plus rien. Maintenant, nous apprenons qu'il «faut repenser notre industrie». Mettons de côté les IDE puisque nous savons qu'ils ne viendront pas. Arrêtons de croire à une génération spontanée d'entrepreneurs et de capitaines d'industrie. Partant de ces certitudes, une seule voie reste possible: celle d'une forte implication de l'Etat dans des projets publics/ privés. Mais avant, il s'agit de recenser toutes les «niches» industrielles possibles. Ils sont énumérés dans la longue liste de nos produits importés. Ce qui devrait permettre l'établissement d'une carte industrielle assez précise. Sa répartition géographique dépendra de la spécificité des productions industrielles. (…)
Z.Mebarki

Selon les dernières données de l'ONS le secteur des services représente 90%. De quelle industrie nous parle-t-on?




La casse de l'économie nationale continue


Commentaires reçus dans ma boite:

Quelle est la politique monétaire du pays? Protéger l'industrie nationale créatrice d'emplois grâce à une utilisation judicieuse de la manne céleste du pétrole ou appliquer les lois de l'ultra libéralisme aveugle qui a déjà détruit tout le pays? Il est normal dans un pays appauvri sinon exangue que l'Etat soutienne les prix et aide l'industrie nationale , le temps de les aider à se réparer.

L'inflation des produits importés est due à la dévaluation du dinar et non l'inverse. La masse monétaire réservée à l'importation augmente ( à cause de la dévaluation) et les quantités importées qu'elle permet d'acheter stagnent ou baissent d'où l'inflation (offre inférieure à la demande).  La flambée des prix des produits de consommation courante, produits localement, est due à la dévaluation du dinar et à un marché monopolistique qui ne laisse pas jouer la loi de l'offre et de la demande. Elle est due à la rareté organisée. Donc la dévaluation du dinar ne se justifie pas. Elle ne fait que détruire l'industrie nationale (les équipements importés deviennent plus cher), appauvrir la population et créer le chômage et  l'instabilité. On ne dévalue pas une monnaie nationale déjà fortement dévalorisée pour encourager des exportations inexistantes= quelque 2 milliards de § = dattes, huile  et quelques autres petites misères. La Banque d'Algérie qui a pris cette décision dépend de quelle tutelle? Ca ne veut rien dire: elle est indépendante? elle n'est pas dans une ile déserte. Elle rend compte à qui? Qui peut la faire revenir sur cette décision?
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La Banque d’Algérie vient de procéder à une nouvelle dévaluation du dinar. Passée en catimini, celle-ci pourrait sérieusement affecter les activités de nombreux opérateurs économiques

L’atelier, organisé hier à Alger par le Forum des chefs d’entreprises, a permis de faire la lumière sur certaines motivations de cette décision. Le président du FCE, Réda Hamiani, a ainsi expliqué que la Banque centrale a procédé il y a une quinzaine de jours à un relèvement du taux de parité avec la devise européenne de telle sorte qu’aujourd’hui
1 euro vaut 107 DA, selon le taux de change officiel.
Une mesure qui aurait pu être mise au crédit de la gestion courante du taux de change. Toutefois, M. Hamiani a mis en avant le fait que cette mesure a été prise au moment où l’euro perdait 10 à 15% de sa valeur face au dollar, ce qui a induit une dévaluation brutale et double du dinar face au dollar et à l’euro.
Le patron du FCE s’est interrogé dans ce sens sur les motivations économiques d’une telle décision et n’en trouve pas d’ailleurs. D’autant plus qu’elle pénalise fortement les opérateurs économiques et alourdit leurs coûts de production vu les pertes des changes à accuser, notamment lors de l’acquisition de leurs intrants et équipements. L’une des explications avancées par le président du FCE est le recours des autorités à un procédé purement monétariste pour freiner les importations dans un contexte où celles-ci pourraient s’envoler encore à la faveur de «généreuses» augmentations de salaires sans contrepartie productive et le versement d’importants rappels aux travailleurs du secteur public. Une solution de facilité de plus afin de stopper la dérive des importations.
En vain. Puisque malgré l’instauration du credoc, celles-ci sont proches du seuil psychologique des 50 milliards de dollars. Une dérive qui ne peut s’expliquer que par l’augmentation des besoins des Algériens sans que la production locale puisse les satisfaire. La mesure prise par la Banque d’Algérie est antiéconomique autant qu’elle reflète l’incohérence des politiques économiques initiées depuis une décade. Lesquelles politiques accordent au final, selon les représentants du FCE intervenus hier, plus d’avantages aux activités commerciales qu’à la production de biens et services.
Une situation née de l’opacité des notions d’investissement et de partenariat ainsi que de la contradiction des fondements doctrinaux entre le code de l’investissement dans sa mouture originelle de 2001 et les additifs qui sont venus s’y greffer au fil des lois de finances. La règle des 51/49 a été dans ce sens vertement critiquée par les intervenants du FCE dans le sens où celle-ci est l’expression de la plus grande contradiction doctrinale de l’actuel code de l’investissement.
De même que la soumission de certains projets éligibles aux régimes dérogatoires d’avantages de l’ANDI à l’examen préalable du CNI est le fruit de cette même contradiction qui oppose liberté d’initiative à la notion d’autorisation. La règle incriminée oppose également l’obligation de protection des investisseurs à la rétroactivité des dispositions de la LFC 2009 qui affecte les opérateurs installés antérieurement en Algérie.

L’Algérie n’a attiré que des aventuriers

Cette même règle dénote aussi la confusion dans la définition même de l’investissement laquelle permet à de nombreux commerçants étrangers de travailler en Algérie dans le commerce de gros et de détail sans pour autant être affectés par les nouvelles dispositions réglementaires.
Les correctifs apportés au code de l’investissement depuis 2006 reflètent surtout la proéminence des aspects purement juridiques et administratifs des politiques de promotion de l’investissement, au lieu de s’attacher à l’intérêt économique, stratégique et à la création de la valeur ajoutée. Dans ce sens, le FCE plaide pour la mise en place d’un système d’admission basé sur la convention négociée, la clarification des conditions d’éligibilité aux avantages de l’ANDI, ainsi que le renforcement des mesures d’encadrement sectorielles.
Cela permettrait, selon les intervenants, de favoriser l’investissement, le partenariat, les délocalisations sans pour autant rééditer les scénarios «Djezzy». De l’avis même de Réda Hamiani, l’ouverture telle qu’elle a été opérée durant la dernière décade n’a permis en fait qu’à attirer «les aventuriers, les voyous et les gros commerçants». Chose qui pourrait expliquer, pour lui, le resserrement de la réglementation qui s’en est suivie.
Le patron des patrons a cependant ajouté que cela a été fait à tâtons en réponse à certains opérateurs comme Djezzy ou Lafarge. Il avoue dans ce sens que les lois de finances complémentaires sont une arme redoutable aux mains des pouvoirs publics, dans la mesure où elles leur permettent d’apporter d’importants correctifs à la loi sans pour autant laisser le temps d’examiner la cohérence de ceux-ci avec l’esprit de la loi ni ses conséquences sur l’activité économique.Melissa Roumadi

http://elwatan.com/economie/un-artifice-pour-freiner-les-importations-19-01-2012-155477_111.php





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De l’opportunité de réévaluer le dinar

Samir Bellal. Maître de conférences Université de Guelma

(NDRL: En l'absence d'une  classe sociale ayant accumulé un capital financier et technique depuis des siècles il est normal que l'Etat distribue la rente pour permettre la constitution de cette classe. Mais il faut que ces "nouveaux industriels "jouent le jeu " en investissant dans des créneaux porteurs de développement et non uniquement dans l'importation. Et en attendant l'Etat distribue des "salaires" pour permettre à la population de "passer le gué". )

En ces temps de crise sociale, évoquer la question du taux de change de la monnaie nationale n’est pas sans susciter débat quant à l’opportunité de recourir à une réévaluation du dinar, mesure susceptible de contenir la hausse des prix des produits de large consommation, pour l’essentiel importés. Une telle mesure, dont l’intérêt politique immédiat est incontestable, est cependant porteuse d’un péril économique majeur.
Des appels à une réévaluation du dinar se font ces derniers temps de plus en plus pressants. Emanant de différents milieux, ces appels interviennent, il est vrai, dans une conjoncture économique particulière marquée à la fois par une accumulation jamais observée de réserves de change d’un côté, et une dégradation sans précédent du pouvoir d’achat des ménages, d’un autre côté.
Si une telle conjoncture incite à se poser la question de l’opportunité de revoir à la hausse la valeur externe de la monnaie nationale afin de remédier à la baisse de pouvoir d’achat, subie par de larges catégories sociales, dont notamment les salariés, les retraités…, il n’en demeure pas moins qu’une réévaluation de la monnaie nationale demeure une décision aux conséquences très lourdes, conséquences qui, dans le cas particulier de l’Algérie, risquent de compromettre sérieusement toute perspective de redressement économique à moyen et long terme. Il convient donc, avant de franchir le pas, d’évaluer l’impact socioéconomique d’une telle mesure et se demander si, finalement, il n’y aurait pas d’autres voies à suivre pour améliorer le pouvoir d’achat sans toucher à la parité réelle externe du dinar. Dans ce débat, il semble qu’il faille d’abord se défaire de cette attitude puérile, mais très présente dans la communauté des économistes, qui consiste à ne voir dans la question de taux de change qu’un problème d’équilibre entre l’offre et la demande.

Le débat économique

Par-delà les considérations techniques relatives à sa définition et sa mesure, il convient de retenir que le taux de change, qui se définit comme le prix relatif d’une monnaie par rapport aux autres, est avant tout un indicateur de la compétitivité-prix d’un pays. Il mesure par ailleurs le pouvoir d’achat externe de la monnaie, c’est-à-dire son pouvoir d’achat sur les biens étrangers. Il existe une multitude de théories économiques qui traitent du taux de change, chacune proposant une analyse de ses déterminants et mécanismes. En dépit de leur nombre pour le moins déroutant, ces théories sont complémentaires et leur diversité permet de multiplier de manière avantageuse les points de vue sur ce phénomène complexe. Néanmoins, on observe que, très souvent, la préoccupation première de ces théories tourne autour de la question de la détermination du taux d’équilibre. La notion de taux de change d’équilibre renvoie en effet à la nécessité d’assurer, sur une plus ou moins longue période, l’équilibre de la balance des paiements du pays, de manière à ce que l’excédent de la balance courante soit suffisant pour faire face à la contrainte de remboursement de la dette extérieure.

De ce point de vue, il est évident que la valeur externe du dinar est actuellement sous-évaluée. Le niveau des réserves de change accumulées depuis maintenant quelques années justifie que l’on envisage, toujours de ce point de vue, une décision de réévaluation de la monnaie nationale.

Une telle décision qui, dans les conditions actuelles, est tout à fait possible et réalisable, est-elle pour autant opportune et défendable si l’on considère le contexte particulier de l’économie algérienne ? A cette question, la théorie économique ne donne pas de réponse unique. En fait, la question, telle que formulée, ne relève pas de la théorie économique. Elle renvoie à des considérations pratiques relevant davantage d’intérêts politiques immédiats que d’une rationalité « neutre ». Dans cette perspective, le recours à l’enseignement de la théorie n’est utile qu’autant qu’il permet de fournir l’éclairage nécessaire quant aux conséquences éventuelles d’une décision de réévaluation ou de dévaluation.

La théorie économique ne nous indique donc pas la conduite à suivre en matière de taux de change ; elle ne nous dit pas s’il faut surévaluer ou sous-évaluer la valeur de la monnaie nationale. Il s’agit là d’un choix politique, c’est-à-dire le résultat d’une délibération politique.

 Plusieurs arguments peuvent être avancés pour appuyer la décision de réévaluer le dinar.

Celle-ci se justifierait dès lors que l’on observe que les réserves de change du pays atteignent des niveaux records, mais elle se justifierait aussi et surtout par la nécessité d’augmenter le pouvoir d’achat des revenus fixes et modestes, ces derniers ayant subi, ces deux dernières décennies, une forte baisse en termes réels. La réévaluation ne serait, de ce point de vue, qu’un simple rattrapage de pouvoir d’achat pour retrouver celui qui avait cours dans les années 80.


Mais préconiser la réévaluation, c’est oublier que le taux de change est un indicateur de compétitivité ; et que c’est par lui que se définit la capacité d’une économie à s’insérer activement dans la division internationale du travail. La réévaluation est une mesure qui comporte des risques qu’il convient de mesurer. Ces risques sont d’autant plus grands que nous sommes en présence d’une économie qui présente une configuration particulière dans son mode d’insertion internationale.

Du taux de change dans une économie rentière

La dimension politique de la question du taux de change se présente différemment selon qu’on est dans une économie de marché développée ou dans le cas particulier d’une économie rentière. Dans le cas d’une économie de marché, la question du taux de change soulève celle, primordiale, de la répartition du revenu national entre les différents acteurs. Elle pose essentiellement la problématique du partage du surplus entre travail et capital. En général, la réévaluation (ou inversement, la dévaluation) est une mesure qui affecte considérablement les termes du partage entre les acteurs de la production et de l’accumulation. La réévaluation peut ainsi profiter à certaines catégories sociales et porter préjudice à d’autres. Il en est de même de l’opération inverse, la dévaluation.

Le cas d’une économie rentière est particulier à plusieurs égards. Dans ce type d’économie, la dimension politique de la politique de change se trouve renforcée, du fait notamment que l’essentiel des revenus extérieurs du pays se présente sous forme de rente minière dont l’Etat est le propriétaire exclusif. L’essentiel de la richesse nationale se trouve être le produit d’un transfert, fruit d’un travail effectué ailleurs (rente d’origine externe). Les questions de partage entre différents agents se posent par conséquent différemment : il ne s’agit plus de revendiquer une plus grande part du gâteau, fruit d’un travail social, en contrepartie de l’effort fourni par chacun, mais plutôt de s’approprier, sur des bases qui ont très peu à voir avec les principes de productivité ou de l’effort, une part des richesses dont l’origine doit davantage au hasard de la géologie qu’au travail de chacun.

Dans un régime rentier, le taux de change est un élément qui détermine dans une grande mesure la nature du projet économique et politique que l’autorité politique se propose de mettre en œuvre. Souvent, dans ce type de régime, c’est la logique distributive qui prime. Cela se traduit dans les faits par une surévaluation structurelle de la monnaie nationale, surévaluation rendue possible par la disponibilité de la rente externe. Pour des considérations qui relèvent davantage de la logique politique, la valeur de la monnaie nationale (ou son taux de change) est instrumentalisée par l’Etat pour servir de moyen pour satisfaire les différentes demandes sociales qui lui sont adressées. La logique distributive, inhérente aux régimes rentiers, favorise la pratique d’un taux de change surévalué. A contrario, la sous-évaluation de la monnaie est une situation qui, bien que rarement observée dans le régime rentier, tend à contrecarrer la logique distributive.

Que faire ?

Les expériences de certains pays montrent que l’Etat intervient fortement dans la détermination de la valeur de la monnaie, souvent dans le sens d’une sous-évaluation. Si la dévaluation se présente souvent comme une contrainte dont il faut tenir compte pour remédier à un déséquilibre dans la balance des paiements, la réévaluation se présente au contraire comme une tentation à laquelle beaucoup d’Etats se refusent, tant bien que mal, de céder. La tentation devient d’autant plus grande que l’Etat dispose de ressources financières lui permettant de faire face au surcroît de demande d’importation qui en résulte. Telle semble être la situation qui prévaut en Algérie présentement. Dans les appels, émanant de toutes parts, en faveur d’une réévaluation du dinar, chacun y va de son argument, mais souvent, ce sont des considérations catégorielles qui sont mises en avant. Les syndicats de travailleurs voient dans la réévaluation une manière de réduire les prix des produits de large consommation, dans leur majorité importés, tandis que certaines catégories du patronat privé (les importateurs en particulier ou ceux qui activent dans des secteurs protégés de la concurrence étrangère tels que le BTP, transport, services) verraient d’un bon œil que le dinar soir réévalué pour des raisons de rentabilité.
La confusion est telle qu’aujourd’hui même ceux qui sont censés être les adversaires premiers de la réévaluation en sont devenus les partisans les plus acharnés (voir position du FCE, notre MEDEF local, sur la question). C’est dire combien, en ce moment, la société dite «civile» est unanime sur cette question. Cependant, l’unanimité autour de la question de la réévaluation ne constitue pas en soi un argument irréfutable. Elle est révélatrice du fait que, très souvent, la conscience fausse des acteurs sociaux parvient à s’imposer et à l’emporter sur les choix que dicterait une approche rationnelle des problèmes posés. Il en est toujours ainsi du changement lorsque celui-ci est l’œuvre des hommes. Dans les débats publics consacrés aux questions économiques, il est souvent fait référence à la nécessité de préparer la période de l’«après-pétrole». Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est lorsque les pratiques économiques de l’Etat confortent solidement le fondement rentier du régime économique que le discours politique prône avec le plus de force la rupture avec l’« ère du pétrole ». Cette incohérence aurait été « compréhensible » si elle était le fait exclusif du discours politique. Or, il se trouve que même les débats entre économistes, lorsqu’ils se réfèrent à l’ « après-pétrole », ne manquent pas d’incohérences.
Ainsi, certains de nos économistes trouvent tout à fait « normal » que l’on puisse prôner la rupture avec le régime rentier tout en suggérant une hausse des salaires, une réévaluation de la monnaie nationale, un allégement de la fiscalité ordinaire, un soutien des prix des produits de large consommation, un assainissement financier du secteur public… pour ne citer que ces mesures qui, dans un passé pas si lointain, constituaient l’essentiel de l’actualité économique du pays. Peut-on prôner la rupture avec le régime rentier sans en souligner le caractère inéluctable et nécessairement douloureux des sacrifices ? Au regard de la tournure que prend le débat économique national en ce moment, la question n’est pas dénuée de fondement . La question de la conduite à mener en matière de taux de change doit par ailleurs être appréhendée en des termes qui tiennent compte des complémentarités qui existent entre les composantes institutionnelles qui définissent l’ensemble des régulations partielles. Il ne sert par exemple à rien de vouloir maintenir la compétitivité externe de l’économie nationale par une politique appropriée en matière de taux de change si, en parallèle, on ne s’efforce pas d’inscrire les autres pratiques de régulation (salaires, budget, fiscalité…) dans la même perspective. C’est ce qui explique pourquoi en politique économique l’analyse doit davantage porter sur les changements en termes réels plutôt que sur les variations nominales.
Par ailleurs, les positions des acteurs doivent être analysées à la lumière des évolutions qui ont eu lieu ces dernières années. Dans cet ordre d’idée, les revendications catégorielles pour une réévaluation de la monnaie nationale reflètent une dynamique sociale qui a pour objet le partage de la richesse nationale. Lorsque celui-ci s’effectue de manière inégalitaire, ce qui est manifestement le cas en Algérie, le conflit de partage s’exacerbe, générant des pressions permanentes de toutes parts sur l’autorité politique en charge de la question de répartition. Le taux de change de la monnaie nationale revêt ici le statut de variable de répartition au même titre que les salaires et les profits.

La légitimité en question

Que faire en matière de politique de taux de change dans les circonstances actuelles du pays ? Si l’on exclut la réévaluation, qui est, en dépit de tout ce que l’on pourrait penser, la pire des solutions (et la plus facile), il convient de noter que le taux de change n’est qu’un élément, parmi d’autres, de la problématique générale de l’allocation des ressources et de la répartition du revenu national. Le taux de change appliqué au dinar est l’un des facteurs qui détermine la configuration de l’ordre économique interne, mais il n’est pas le seul. Pour que cet ordre ait une chance de se reproduire sans accrocs et sans crise, il est indispensable que le conflit de répartition trouve son issue sur la base d’une légitimité renouvelée. Quand il y a défaut de légitimité, on a tendance à recourir au mode clientéliste pour régler le conflit de répartition. Plus la légitimité est grande, plus les possibilités de recourir à un mode différent (mode corporatiste, par exemple) seront grandes. En d’autres termes, loin de se réduire à une question d’équilibre virtuel entre offre et demande, le problème du taux de change du dinar est d’essence politique. En l’occurrence, il s’agit davantage d’un problème de légitimité politique. Outre qu’elle permet de régler les conflits de répartition avec le moins de «casse», la légitimité politique crée en effet les conditions les moins mauvaises pour la construction d’un compromis social et institutionnel validant une orientation générale en matière de politique économique. Dans ce compromis, la question du taux de change ne constitue qu’un élément parmi d’autres.

Quoi qu’il en soit, la politique de taux de change ne devrait pas se réduire à une quête ridicule d’un hypothétique équilibre virtuel entre offre et demande de monnaie étrangère. L’histoire économique des pays qui ont réussi l’entreprise de s’insérer activement dans la division internationale du travail nous enseigne que les choix en matière de taux de change, pour ne prendre que cet aspect qui nous intéresse, obéissent à des impératifs économiques de moyen et long termes, c’est-à-dire des impératifs de développement. L’actualité économique immédiate nous fournit, à cet égard, une multitude d’exemples où le taux de change, depuis longtemps objet de luttes entre puissances économiques, est plus que jamais mobilisé par les Etats comme instrument de préservation de la compétitivité externe de leurs économies respectives. L’exemple de la Chine est à méditer. Ce pays, deuxième plus grand exportateur mondial et premier détenteur de réserves de changes, s’obstine à rejeter, en dépit des pressions occidentales, toute idée de réévaluer la valeur du Yuan.
L’histoire économique récente de l’Algérie montre que la politique de taux de change a joué un rôle déterminant dans l’orientation de la demande intérieure vers la production étrangère au détriment de la production domestique qui s’en est trouvée du coup asphyxiée, sinon découragée.
De même qu’elle a sans doute grandement contribué à faire en sorte que l’allocation des capacités domestiques de production s’opère en faveur des activités à l’abri de la concurrence étrangère (services, BTP, …) au détriment des activités industrielles et manufacturières en particulier. Nous retrouvons là, évidemment, une configuration qui rappelle celle déjà prédite et décrite par la fameuse théorie du syndrome hollandais. Certaines des mesures prises ces derniers temps par les pouvoirs publics sont autant de signes qui laissent présager un retour à la politique de facilité. Le déficit de légitimité est ainsi compensé par une pratique populiste dont la finalité est l’obtention de la paix civile, quelle qu’en soit le coût (dixit Ouyahia). Dans cette ambiance pour le moins favorable à toutes les dérives, il n’est pas exclu que le pouvoir procède, dans l’immédiat, à une réévaluation de la monnaie nationale, façon pour lui de s’attaquer en amont à la question de la dégradation du pouvoir d’achat. En l’absence d’une légitimité politique, seule à même de faire accepter les sacrifices que la situation impose sans que cela ne dégénère constamment en émeutes et autres violences, il est à parier que bientôt, les autorités politiques du pays seront amenées, face à l’inflation qui s’annonce, à adopter les mesures économiques les plus périlleuses. La réévaluation du dinar en sera la plus emblématique.
Samir Bellal. Maître de conférences Université de Guelma
(1)La confusion est telle que même Lahouari Addi, dont l’analyse des pratiques économiques de l’Etat en Algérie (voir Impasse du populisme) conduit à la formulation d’une problématique qui met en avant, comme thème économique central, la prédominance de l’économie distributive au détriment de l’économie productive, semble acquis à l’idée de l’opportunité de recourir présentement à une réévaluation du dinar


Note du blog :
1 Dirham = 0,90 €soit près d'un euro euro. http://www.mataf.net/fr/conversion/monnaie-MAD- ADF0
1 dinar tunisien= 1,97 € soit près de 2 Euros http://fr.advfn.com/monnaies-convertisseur/euro-contre-dinar-tunisie.html
1 dinar algérien= 0,09 http://www.mataf.net/fr/conversion/monnaie-DZD
€ (X/10=0,90)
Donc 1 Dirham: 10 DA (la comparaison n’a de sens que si on connait le pouvoir d’achat local d’1 Dirham et de 10DA.) Il faut comparer les 2 paniers de la ménagère, les prix des transports, de l’énergie, de l’eau, de l’éducation et de la santé.

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Crise de liquidités et valeur faciale des billets de banque

Bachar El Baqui, économiste

La banque d’Algérie a annoncé, pour le 28 avril, la mise en circulation d’un billet de banque de 2000 DA. Celui ci est il propice ou inadapté à l’économie algérienne d’aujourd’hui ?

Avant de parler du billet de banque proprement dit, il est nécessaire de préciser préalablement quelques concepts et définitions et ce afin de  compléter le pertinent article signé Zoheir Aït Mouhoub, intitulé « La mafia politico financière vide ses comptes », paru dans El watan Week End du 22//04/2011 et l’appréciable article signé Hamid Guemache, intitulé « Manque de billets dans les postes : les raisons de la crise et de la création du billet de 2000 dinars » paru sur TSA, en date du 23/04/2010.

1. La monnaie au sens strict, appelée généralement M1, est composée de la monnaie fiduciaire en circulation et des dépôts à vue. La monnaie fiduciaire est formée de billets de banque et des pièces métalliques en circulation tandis que les dépôts à vue sont les soldes des comptes courants et des comptes chèques des résidents ouverts auprès des banques commerciales, du CCP et du Trésor public.

Si la monnaie fiduciaire peut se suffire à elle-même pour être active ou en circulation, les dépôts à vue nécessitent un support à cet effet. Ces supports peuvent être le chèque, la carte de crédit ou le virement bancaire.
La monnaie est d’abord une unité de compte servant à évaluer et à mesurer de façon analogue les transactions sur les biens et services produits par l’activité économique. En second lieu, la monnaie sert d’intermédiaire ou de facilitateur pour les échanges économiques vu qu’elle est acceptée en contrepartie de biens et de services mis en vente. En dernier lieu, elle sert de réserve de valeur, c'est-à-dire qu’elle permet de reporter un pouvoir d’achat d’une période sur une autre.
C’est grâce à cette troisième fonction que l’épargne se constitue et que des crédits sont proposés. Ce qui permet aux investissements de se réaliser. Lesquels investissements créent des emplois, produisant des biens et des services, qui vont recevoir en contrepartie de leur travail des revenus entrainant des échanges puis de la consommation et de nouveau de l’épargne.

2. Il y a lieu de distinguer d’ores et déjà la différence notable existante entre la valeur faciale des billets de banque ( billets de 200, 1000 ou 2000 DA) et le total des billets et pièces en circulation auquel on ajoute le total des dépôts à vue auprès des banques, du Trésor et des CCP) pour former la monnaie. Il est évident qu’on peut avoir 10 milliards de dinars en circulation composé seulement de billet de 200 DA ou seulement de billets de 2000 DA. Une telle situation n’aura d’impacts, que sur la facilitation des échanges. Elle ne sera aucunement inflationniste, c'est-à-dire qu’il n’y aura pas de perte de pouvoir d’achat de cette monnaie. La confiance mise en cette monnaie n’en sera pas modifiée. Les transactions ou les échanges de petits montants seraient favorisés par les billets de petites coupures (200 DA par exemple) tandis que les transactions de grands montants seraient mieux assurées par les billets de grosses coupures.

La valeur intrinsèque d’une monnaie est avant tout la confiance qui est mise en elle, donc en ses émetteurs. Une monnaie peut très vite perdre la confiance mise en elle, lorsque la perte du pouvoir d’achat qu’elle véhicule se détériore trop vite dans le temps, c’est le cas d’une inflation élevée. L’émission, la défense de la garantie de la valeur d’une monnaie est du ressort exclusif de la banque centrale. En Algérie, c’est le rôle principal de la banque d’Algérie, tel qu’il est stipulé par l’article 35 de la Loi portant monnaie et crédit.

3. Dans les pays où les chèques et la carte de payement sont développés, les billets de valeurs faciales importantes sont peu ou pas utilisés, vu que les transactions aux gros montants sont dénouées par virement bancaires, remises de chèques ou cartes de paiements. On ne peut imposer le chèque ou tout autre moyen de paiement. On motive et convainc à l’utilisation de tel ou tel moyen de paiement. On peut toujours imposer une déclaration des transactions, de même que d’apporter la preuve de la provenance des fonds.

A l’exemple des USA, les billets de 1000, 500 et 200 dollars qui avaient longuement subsistés ont été retirés de la circulation lorsque le virement, le chèque et la carte de paiement se sont
développés. Il est rare d’y voir aujourd’hui quelqu’un s’y promener avec des espèces d’une valeur totale supérieure à 100 $. La valeur faciale de billet de banque la plus élevée actuellement n’y est plus que de 100 $.

En Europe, parallèlement à une utilisation importante du chèque et de la carte de paiement dans tous les pays, les billets de banque de grandes valeurs faciales tels que le 200 euros, 500 euros ou 1000 francs suisse sont différemment appréciés d’un pays à un autre. Autant en France, il est difficile de trouver preneur des billets de 200 euros, en Allemagne le billet de 500 euros est très usité. En Suisse le billet de 1000 FS (équivalent à 750 euros) est d’une utilisation courante.

En Algérie

En Algérie, le faible déploiement du chèque et de la carte de paiement fait que les besoins en monnaie fiduciaire sont devenus très importants pour la réalisation des échanges entre agents, alors que la valeur faciale la plus élevée de billet n’est que de 1000 DA, qui ne vaut plus que 10 dollars ou 7 euros, tandis que le niveau des prix des produits, non soutenus par l’État, en Algérie est le même qu’en Europe.
En Algérie, à l’exception de quelques virements bancaires entres agents, le plus souvent il est fait recours à la monnaie fiduciaire pour activer les dépôts à vue. On fait des retraits auprès des
guichets de banque pour procéder ensuite à des versements auprès d’autre guichets, même lorsqu’il s’agit d’organismes publics, car la confiance dans le chèque est quasi nulle, la carte de paiements est inexistante (il n’est utilisé que des cartes de retrait), et le virement bancaire est encore faible malgré les efforts déployés pour les différentes modes de virements ou de compensations électroniques. Par ailleurs, il n’existe pratiquement pas d’autres actifs moins liquides, qui pourraient servir de réserve de valeur au lieu et place de la monnaie fiduciaire.

La situation prévalant aujourd’hui en Algérie permet, sans se tromper, d’assimiler monnaie(M1) à de la monnaie fiduciaire. Quelle est donc la part de la monnaie fiduciaire mise en circulation qui viendrait palier à la faiblesse d’utilisation du chèque et de la carte de paiement ?

4. Y-a-t-il trop ou pas assez de monnaie fiduciaire en circulation en Algérie, vu que les dépôts à vue sont essentiellement mis en action grâce à de la monnaie fiduciaire ?

La théorie économique nous apprend qu’il existe une relation étroite entre le Produit Intérieur Brut (PIB) et la monnaie (M1). Ces deux agrégats sont égaux à un facteur diviseur près, lequel à court terme est stable. Il s’agit de la vitesse de circulation de monnaie (V). Cette relation mathématique peut s’écrire M=PIB/V. Comme V est stable et ne varie pas à court terme, la variation de la monnaie dépend alors essentiellement de la variation du PIB en terme prix (inflation) et en termes de volume (croissance réelle). A l’exception du cas où les taux d’intérêt créditeurs sont faibles (situation actuelle de l’Algérie), alors l’ajustement entre la monnaie et le PIB se fait sur la vitesse (V), vu que la monnaie fiduciaire est gardée sous forme d’encaisse hors banques (dans des bas de laine et transportés dans les sachets en plastique noir).

Dans les statistiques monétaires publiées par la banque centrale dans ses rapports annuels, il est mit en relation la Monnaie et le PIB, mais il n’est fait état que du PIB courant officiel. Il n’a pas été procédé à l’évaluation, ou tenu compte, du PIB du marché informel de l’économie nationale, alors que la monnaie fiduciaire en circulation répond en réalité aussi bien à la demande du marché officiel qu’à celle du marché informel. A aucun moment il n’a été fait mention de l’estimation de la vitesse (V) de circulation de la monnaie qui est différente des ratios de liquidité affichés dans ces ratios, expression mathématique, inverse de la vitesse de circulation ne sont définis qu’ex-post. Certes ils renseignent sur la liquidité mais ne permettent pas de déterminer la monnaie à mettre en circulation.

Par conséquent, il existe certainement actuellement un manque flagrant de monnaie fiduciaire en circulation. Ce qui nous est révélé à la fin de chaque mois par le manque de billets de banque au niveau des guichets des postes vu qu’il n’est pas mis en circulation de la monnaie fiduciaire pour répondre, à la fois aux besoins de l’économie en général, au besoin du marché informel, pour palier aux carences du chèque et de la carte de paiement, pour remplacer le manque d’actifs servant de réserves de valeur, ainsi que pour répondre à l’évolution de la production en termes de prix que de quantités. Une analyse statistique approfondie des données y relatives, aboutira exactement à la même conclusion.

5. Quelle valeur faciale donner à la plus grosse coupure de billet de banque ? Quelle valeur faciale donner à la plus petite coupure de billet de banque ? Quelle structure à donner à nos billets de banques en termes de valeurs faciales et de nombres sachant leur valorisation globale est déjà prédéfinie en fonction PIB et de la vitesse (V) de circulation de la monnaie ?

Si le coût de fabrication est un élément primordial pour la détermination de la valeur faciale
de la plus petite coupure, la valeur faciale du plus gros billet de banque est déterminée par le niveau des revenus de la population et du niveau des prix des produits.

L’examen de l’évolution des prix en Algérie depuis l’avènement du billet de 1000 DA, compte tenus des données statistiques officielles des prix publié par l’ONS, montre que les prix se seraient multipliés par 10 durant ces 20 dernières années.

Durant cette même période le SNMG est passé de 1000 DA (1/1/1990) à 15000 DA actuellement, soit une multiplication par 15.

Les salaires les plus élevés (ceux des ministres, sénateurs, députés, Gouverneur et autres PDG et grands responsables) seraient passé de l’ordre de 15 000 DA à 400 000 DA au moins, soit une multiplication par 30.

Tout le monde sait qu’en Algérie, le chèque (non certifié) est honni même par les administrations publiques, les règlements se font par paquets de billets de 1000DA.

Eu égard à ce qui précède, nous déduisons, sans risque de nous tromper, que l’avènement de billets de banque d’une valeur de 10 000 et 5000 DA est plus que nécessaire. Le billet de 2000 DA auraient du voir le jour déjà depuis plus de 10 ans. Par ailleurs il est temps de retirer de la circulation les pièces de monnaie métallique d’une valeur inférieur au dinar qui ne sont plus usitées depuis fort longtemps.

Pour l’anecdote, la raison du manque de monnaie fiduciaire au niveau des postes de même que le maintien en circulation des anciens billets de banques de 200 DA, tous déchirés et crasseux, est une question de capacité de production insuffisante au niveau l’imprimerie apte à faire face à la demande de monnaie fiduciaire et au remplacement de billets usés. L’impression de billets de valeurs supérieures aurait pu régler de problème de capacité de production aisément. Mais Il n’avait pas été imprimé des billets de valeurs supérieures parce que personne ne voulait décider des motifs et images à faire figurer sur les nouveaux billets de banque.

Leur attitude inertielle perdure depuis 1992, lorsqu’ils avaient opté pour des animaux sur les billets et pièces mis en circulation. A l’époque, ils y ont imprimé des animaux, comme s’il n’y avait pas assez de valeureux martyrs algériens à qui ils auraient pu rendre hommage. On prenait alors les Algériens pour des bêtes au point de tomber même dans la vulgarité. Pour ce dernier terme, il suffit de bien examiné le billet de banque de 1000 DA et surtout la petite pièce métallique de 1DA sur les deux faces pour le comprendre. Espérons qu’aujourd’hui, nous aurons droit à plus de respect et de décence.

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Face à un Etat riche, quel est le pouvoir d'achat des Algériens en 2011 ?
par Abderrahmane Mebtoul


Comment un Algérien qui vit au SNMG, 150 euros par mois au cours officiel et moins de 80 euros au cours du marché parallèle, soit entre 3 et 4 euros par jour, alors que le kilo de viande est, en juillet 2011, à plus de 10 euros, fait-il face aux dépenses contraintes et incontournables (alimentation, transport, santé, éducation?
(...) Certes le SNMG algérien a doublé, passant de 6.000 à 15.000 dinars, ces dernières années, mais en dépit de cette augmentation, une interrogation s'impose : comment est-ce qu'un Algérien, qui vit au SNMG, 150 euros par mois au cours officiel moins de 80 euros au cours du marché parallèle, soit entre 3 et 4 euros par jour, alors que le kilo de viande est, en juillet 2011, à plus de 10 euros, fait-il face aux dépenses contraintes et incontournables (alimentation, transport, santé, éducation. 70% des salariés algériens perçoivent moins de 25.000 dinars nets, consacrant 80% de ce modeste revenu aux produits de première nécessité qui connaissent une hausse de prix continue. Cette dégradation du pouvoir d'achat est renforcée par la dévaluation cyclique du dinar et il est admis maintenant par tous, qu'une famille avec 4 à 5 enfants à charge ne travaillant pas, a besoin d'un revenu net minimum de 36.000 dinars. Hélas cela est impossible si l'on veut une dérive (?) inflationniste généralisée qui pénaliserait les plus pauvres car source de concentration de revenus au profit des revenus variables. Pour l'instant l'inflation est comprimée transitoirement par des subventions toujours grâce aux hydrocarbures pour calmer le front social, source de gaspillage car mal gérés et mal ciblées, permettant d'ailleurs des fuites hors des frontières( Maroc, Tunisie, frontière saharienne), des produits de première nécessité du fait de la distorsion des prix. Pourtant, le constat sur le terrain est que jamais entre 2007/2011, la concentration du revenus au profit d'une minorité de couches rentières et la corruption, n'a été aussi importante, expliquant que certaines mesures gouvernementales de subventions et de discours sur l'austérité, n'ont pas d'impacts de mobilisation et au contraire ont un rejet général où tous les segments de la société veulent une part de la rente des hydrocarbures, immédiatement. Paradoxalement, la crise du logement (même marmite, même charges) et des distributions de revenus sans création de valeur (bien que la destination des transferts sociaux, somme colossale 10% du PIB entre 2009 et 2011, ne concerne pas toujours les plus défavorisées) permettent à une famille de disposer de plusieurs revenus reportant dans le temps provisoirement, les tensions sociales dans la mesure où toute nation ne distribue que ce qui a été préalablement produit si elle veut éviter le suicide collectif.

Quelles perspectives ?

L'Algérie exporte 98% d'hydrocarbures et satisfait par l'importation : 75% de sa demande interne  (ménages et entreprises) avec une participation des entreprises créatrices de richesses de moins de 20% au produit intérieur brut car le secteur BTPH est lui-même irrigué par la dépense publique via les hydrocarbures et ce malgré un dinar dévalué montrant que le blocage est d'ordre systémique

(...) Au moment de la consolidation des grands espaces, je ne puis concevoir l'émergence de pôles de savoir et d'entreprises compétitives sans l'intégration maghrébine au sein de l'espace euro-méditerranéen et africain.

Espérons une transition démocratique et pacifique, car imagions une crise politique en Algérie à l'instar d'autres pays arabes, dans ce cas, le risque est le gel des 125 milliards de dollars déposés à l'étranger.

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Par le Dr Ahmed Benbitour:   La Nation est en danger et le pays est à la dérive, sous l’effet de l’accumulation d’un certain nombre de maux qui s’autoalimentent mutuellement, rendant inévitables l’explosion sociale et l’installation de la violence comme seul moyen de règlement des conflits entre individus, entre groupes d’individus et entre groupes d’individus et le pouvoir. Après étude des expériences de l’Algérie, des pays d’Amérique latine, de l’Europe du Sud (Espagne, Portugal, Grèce), de l’Europe de l’Est et de l’Asie, nous pouvons retenir trois hypothèses de travail, fiables :
(I) Le régime algérien travaille à sa propre destruction ; mais avec la rente, le chemin de la dérive est lent. Du fait de la lenteur de ce processus, lorsque le système se détruit, il détruit avec lui toute la société par un mélange détonnant de pauvreté, de chômage chez les jeunes, de corruption et de perte de la morale collective. La perte de la morale collective, c’est une Algérie qui perd ses valeurs humanistes les plus précieuses, connaît un incivisme généralisé, intériorise la violence, la prédation et la corruption comme un mode de fonctionnement normal. La généralisation de la corruption à tous les secteurs d’activité, c’est un cheminement prévisible qui mène au gaspillage des ressources nationales, plus particulièrement, la fuite du capital humain vers l’étranger et l’exploitation irrationnelle des hydrocarbures. Ce cheminement a commencé avec la petite corruption au niveau des bureaucrates et des petits fonctionnaires. Ensuite, c’est la grande corruption qui se manifeste par des scandales financiers lors des passations de contrats de réalisation de projets d’infrastructures, de l’achat des équipements collectifs et de prêts bancaires. C’est alors l’entrée en jeu de hauts responsables et des «nouveaux riches». Ils voudront monnayer leur richesse mal acquise par le maintien du pouvoir entre leurs mains. L’accès au pouvoir, dans un tel système, est le moyen le plus efficace pour l’enrichissement aujourd’hui et demain. C’est alors l’accaparement de l’Etat. La pauvreté, c’est le manque d’opportunité pour utiliser sa force de travail et son savoir-faire pour s’assurer d’un revenu décent. C’est aussi le manque de capacité d’accès à l’école et à la santé. De même le manque de sécurité face à la violence, aux chocs économiques, aux désastres et aux calamités naturelles. C’est enfin, le manque de voix, le manque de pouvoir pour influencer les débats et les décisions ainsi que le contrôle et l’allocation des ressources.
(II) Le changement pacifique recherché ne peut venir de l’intérieur du système, ni des institutions officielles entièrement soumises au contrôle du pouvoir en place (Parlement, partis politiques de l’Alliance ou de l’opposition), ni de la société civile telle qu’elle a été organisée par le pouvoir (associations satellites transformées en relais durant les périodes électorales). Il ne viendra pas davantage via l’agenda gouvernemental actuel (élections, référendum, assemblée ad hoc…). Le changement ne vient de l’intérieur que dans des situations tout à fait exceptionnelles, où sont réunis trois facteurs : (i) une pression forte et croissante de la société et qui dure (ii) une alliance stratégique des forces du changement (iii) un événement déclencheur.
(III) La décennie 2010-2020 enregistrera la dérive de l’Etat algérien de sa situation actuelle de défaillance vers une nouvelle situation de déliquescence. Un Etat déliquescent est un Etat chaotique, ingouvernable. Face à une telle conviction, le choix est clair :
- ne rien faire et subir le changement avec tous les risques de dérapage, ou bien
- préparer ce changement dans le calme et la sérénité pour placer le pays dans la voie du progrès et de la prospérité. Nous avons choisi la solution de la mobilisation pacifique pour le changement.
Pour réussir le changement, il faut réunir trois facteurs :
- Une pression des citoyens forte, croissante et durable sur le pouvoir en place pour réclamer le changement du système de gouvernance et pas seulement le changement des dirigeants,
- Une alliance stratégique entre les forces du changement pour construire une capacité viable de propositions, de négociations et de mise en œuvre du changement,
- Un événement déclencheur. Les expériences tunisienne et égyptienne de ce début de l’année 2011 permettent de tirer un certain nombre de conclusions qui pourront dessiner les hypothèses fiables pour réunir ces facteurs. Il s’agit de quatre leçons qui définissent quatre hypothèses de travail.
1. Des citoyens réunis avec persévérance en un endroit stratégique de la ville, sans leaders, sans programme politique préétabli et face à des forces de répression importantes, sont capables de faire partir les symboles du régime et en premier lieu le chef de l’Etat. D’où la première hypothèse : quelle que soit l’ampleur des moyens mobilisés pour imposer l’autocratie, les citoyens sont capables d’amorcer le changement et faire partir les symboles du régime.
2. Les dirigeants actuels ne peuvent plus bénéficier du paradis de l’exil. Il y avait l’hypothèse que les dirigeants peuvent quitter le pays en cas de tensions intenables et aller profiter des avoirs qu’ils ont frauduleusement placés à l’étranger. Ceci n’est plus possible, ni pour eux, ni pour leur famille, ni pour leurs collaborateurs proches. De même qu’ils ne peuvent plus bénéficier des soutiens bienveillants des puissances internationales, qui ont fini par comprendre que leurs intérêts se situaient du côté du peuple et non du côté des autocrates. La peur s’est déplacée de chez les citoyens vers les autocrates. D’où la deuxième hypothèse : Les autocrates se trouvent aujourd’hui face à une pression multiple, de la société, de leurs familles, de leurs collaborateurs proches et des puissances internationales.
3. Les expériences tunisienne et égyptienne ont démontré que quelle que soit l’ampleur des gratifications des autocrates en direction des forces armées et des forces de l’ordre, celles-ci s’alignent en dernière instance sur leur peuple et non du côté des autocrates. D’où la troisième hypothèse : les forces armées et les forces de l’ordre se rallieront aux forces du changement immanquablement.
4. Les instruments des nouvelles technologies de l’informatique et des communications NTIC (Facebook, internet …) ont joué un rôle de premier plan dans la mobilisation des citoyens pour le changement et sont accessibles à notre jeunesse en tout temps et en tous lieux. D’où la quatrième hypothèse : les instruments virtuels NTIC sont accessibles à une grande majorité de notre jeunesse et sont un moyen très efficace de mobilisation pacifique pour le changement. Avec ces quatre hypothèses solides parce que construites à partir d’expériences vécues, à savoir la capacité des citoyens à changer le régime, les pressions multiformes exercées sur les tenants du pouvoir, la neutralité positive sinon encourageante des forces armées et des forces de l’ordre et l’accès facile aux instruments nouveaux de mobilisation, nous savons la voie à suivre pour réunir le premier facteur du changement : la pression de la société. Mais il faut bien noter que ces quatre hypothèses nous offrent les moyens d’amorcer le changement, mais pas ceux de le réaliser. Autrement dit, nous savons ce qu’il faut faire pour le départ des symboles du régime, notamment le chef de l’Etat, mais nous n’avons pas encore le mode de gestion du changement. Nous avons la condition nécessaire pour amorcer le changement, mais elle n’est pas suffisante pour le concrétiser. En réalité, une telle fin de règne est très coûteuse pour les autocrates et aléatoire pour le changement. Elle est très coûteuse pour les autocrates : Kadhafi a perdu ses fils dans la bataille, Abdallah Ali Nacer a subi des dommages corporels importants, Moubarak a été humilié par une apparition dans une cage, en face des juges. Tous les autocrates ont vu leurs avoirs, ceux des membres de leurs familles et ceux de leurs proches collaborateurs, saisis à l’étranger. Donc pour leurs propres intérêts et leur propre sauvegarde, ils n’ont aucun avantage à laisser faire et voir la situation sécuritaire leur échapper. Elle est aléatoire pour la réalisation du changement. Dès le début, les autorités en place, après le départ du chef de l’Etat, se trouvent devant un enjeu contradictoire :
- Aller rapidement vers des élections pour installer un gouvernement légitime capable de mettre en œuvre une stratégie du changement ; mais,
- Elles ont besoin de temps pour réaliser un accord avec des forces disparates sur les principes de base qui doivent définir le nouveau système politique. D’où le report des dates prévues pour les élections. C’était le cas aussi bien en Tunisie qu’en Égypte. Plus le temps passe, plus le nouveau gouvernement perd de sa légitimité, plus le danger de s’installer à nouveau dans l’autocratie commence à se répandre à travers la société. C’est alors, le retour à la rue avec des situations de plus en plus chaotiques ! En réalité, le désir des autorités des pays non encore engagés dans le changement de voir l’échec de la mise en place du changement en Tunisie et en Égypte. Mais il faut bien noter que ces difficultés ne sont pas inhérentes au processus du changement imposé par la société. C’est la faute des autocrates qui n’ont pas su aménager une voie de sortie, sécurisée pour eux-mêmes et favorable à la réussite du changement dans l’intérêt du pays. D’où l’importance de la construction du deuxième facteur, à savoir la création des conditions d’alliance entre les forces du changement pour définir une capacité de propositions, de négociations et de mise en œuvre.
La construction d’alliance s’impose comme une solution viable, parce que :

- Après vingt années de divisions idéologiques qui nous ont dressés politiquement, physiquement, moralement et intellectuellement les uns contre les autres, les blessures sont encore profondes et douloureuses au sein de notre société,
- L’incapacité de courants politiques continuellement divisés à proposer une alternative crédible risque de provoquer la lassitude et la démotivation d’une population fatiguée et désabusée.
- Les tentatives répétées de fractionnement, divisions et manipulations de la part de certaines franges du pouvoir, rendent impossible un travail d’union des forces du changement dans le court terme. Il faut, par conséquent, bien noter que, l’appel à l’alliance ne signifie ni fusion, ni union, mais la mise en commun des moyens de mobilisation pacifique pour le changement. C’est un appel à une coopération «gagnant-gagnant». Les associations et partis participant aux coordinations et alliances conservent leur autonomie. A l’issue de la période de transition, chaque partie sera libre de se lancer seul ou dans des alliances dans les futures compétitions électorales. Quant au troisième facteur, à savoir l’événement déclencheur, il est difficile d’en prévoir l’avènement avec précision. Les conditions de son apparition sont variées. En Indonésie, l’événement déclencheur est intervenu à la suite d’une grève massive des étudiants, à la suite de l’augmentation des prix des produits dérivés des hydrocarbures à la pompe et donc du coût du transport ! Les grèves ont commencé dans les universités à l’intérieur du pays ; puis les étudiants en grève ont convergé vers la capitale. Leur rassemblement par milliers à Jakarta pendant plusieurs jours a fait intervenir le commandement militaire qui a demandé au général Suharto de quitter ses fonctions, après 32 ans d’exercice de pouvoir autocrate. En Espagne, c’était la mort du dictateur Franco. En Tunisie, c’était l’immolation par le feu du jeune Bouazizi. En Égypte, c’était l’exemple tunisien qui a servi de déclencheur à la forte mobilisation. En Algérie, cela aurait pu être les émeutes du 5 Janvier 2011 ; mais les deux autres facteurs, surtout celui de l’alliance stratégique entre les forces du changement, n’étaient pas réunis. Face à ces facteurs du changement, le pouvoir s’appuie sur trois ingrédients :
- La démocratie de façade et la politique du faire semblant pour plaire aux puissances étrangères et tromper l’opinion internationale,
- Le pari sur la division des forces du changement et la faible mobilisation politique de la population,
- L’utilisation de la rente et de la prédation pour acheter la population par des concessions et des mesures démagogiques, en puisant dans les réserves d’hydrocarbures non renouvelables au détriment des générations futures. Mais il faut bien noter que l’autisme du pouvoir d’un côté et le mécontentement grandissant de la société de l’autre, nourrissent la double violence de la rue et des autorités, qui font que la situation peut devenir insoutenable à tout moment. D’où l’urgence et la nécessité de construire les alliances stratégiques entre les différentes forces du changement, afin de prévenir la dérive et le chaos. C’est l’objectif primordial de notre travail à la mobilisation pacifique pour le changement. Pour les autorités en place, le choix est clair :
- Laisser faire et vendre des réformes cosmétiques et alors, ils subiront ce qu’ont subi les dirigeants de Tunisie, d’Égypte, de Libye, de Syrie et du Yémen, en mettant le pays dans le chaos.
- Etre partie prenante de la préparation du changement en négociant avec les forces du changement une feuille de route et un agenda pour la mise en œuvre du changement du système de gouvernance. C’est la concrétisation d’une période de transition.
A. B.
Lettre-programme à tous ceux qui ont à cœur de sauver l’Algérie
La Nation est en danger. Le pays est à la dérive, sous l’effet de l’accumulation d’un certain nombre de maux qui s’autoalimentent mutuellement, rendant inévitables l’explosion sociale et l’installation de la violence comme seul moyen de règlement des conflits entre individus, entre groupes d’individus et entre groupes d’individus et le pouvoir. Attention ce que j’exprime n’est pas mon espoir, mais des prévisions avec beaucoup de fiabilité. Que confirment, d’ailleurs, les événements intervenus dans la région durant cette année 2011. Sans être exhaustif, les principaux maux dont souffre l’Algérie sont :
1- La perte de la morale collective.
Le changement signifie le lancement d’un programme ambitieux d’éducation citoyenne
pour passer à une société qui repose sur des lois et des règles saines, où les individus se font confiance lorsqu’ils interagissent, où la bonne éducation et le travail sont des atouts de la réussite sociale et individuelle, où la justice prévaut et où la malhonnêteté, le vice et la brutalité sont proscrits comme mode de progression dans la sphère publique et dénoncées et combattues dans la sphère privée.
2-La généralisation de la corruption à tous les secteurs d’activité.
Le changement signifie l’installation d’un nouveau système de transparence
dans la gestion des affaires publiques. Le système sera mis en place graduellement avec le souci maximum de pédagogie pour permettre à tous de s’y adapter progressivement et à s’y conformer au-delà d’une période de grâce suffisante. Ce n’est qu’après la période de grâce, clairement affichée, que des institutions performantes et non des individus, quel que soit leur niveau dans la hiérarchie de la nouvelle gouvernance, mettront un terme aux défaillances de ceux qui refusent de se conformer aux nouvelles règles de transparence dans la gestion des affaires. La garantie du traitement équitable sera assurée pour tous, dans le seul respect de la loi.
3- La pauvreté.
Le changement signifie la mise en place d’une véritable politique sociale moderne
à même de mobiliser tous les citoyens autour d’une approche axée sur la lutte contre la pauvreté, la préservation de l’environnement et la justice sociale. Cette politique sociale n’est pas la charité. Elle consiste en une stratégie globale contre la marginalisation en encourageant la participation des pauvres à l’essor économique. Elle passe par un investissement massif dans la santé, l’éducation, les autres services sociaux, afin de libérer le gisement de créativité et de participation économique de nos concitoyens complètement marginalisés aujourd’hui.
4-La pénurie prévisible des ressources naturelles non renouvelables que sont les hydrocarbures.
Le changement c’est une économie compétitive
qui assure la protection des individus et un développement individuel et collectif harmonieux. Le programme de mise en œuvre de cette économie s’appuiera sur une politique rigoureuse et efficace de transformation du capital naturel non renouvelable (les hydrocarbures) en un capital humain générateur de flux de revenus stables et durables. Cette politique comprend notamment la réallocation d’une partie significative des investissements excessifs actuels dans les infrastructures vers des investissements ciblés dans le secteur productif de biens et de services, mais surtout des investissements de plusieurs milliards de dollars dans les ressources humaines (éducation, savoir, compétences…), afin de promouvoir une génération d’entrepreneurs possédant la capacité de leadership, la moralité, l’intelligence et le jugement, et de former des cadres gestionnaires à tous les niveaux dans les entreprises et l’administration. La relève des cadres dirigeants partant à la retraite doit être assurée en urgence par le biais d’ambitieux programmes de formation et de promotion de la relève, pour compenser la trêve remarquée pendant deux décennies dans la formation des cadres. Cette politique a été suivie avec succès dans les pays émergents qui ont connu cette phase de développement, la Chine notamment. C’est aussi, la constitutionnalisation de l’utilisation des réserves d’hydrocarbures. Je le répète aujourd’hui. Il faut bien considérer que chaque baril ponctionné sur les réserves non renouvelables est, au départ, une perte pour la Nation. Une fois qu’il sort du sous-sol, il ne fait plus partie du patrimoine des générations futures.
5- La dérive d’un Etat défaillant vers un Etat déliquescent.
Le changement, c’est la mise en place d’un système de gouvernance
dans lequel les citoyens puissent s’exprimer et sanctionner, c'est-à-dire où les citoyens ont les moyens d’exiger des comptes de la part de leurs gouvernants et d’en recevoir effectivement. L’année 2011 verra, je l’espère, tous les citoyens algériens prendre conscience que notre salut en tant qu’Etat et nation ne peut venir que d’un système démocratique et d’une forte participation citoyenne aux prises de décision, à tous les niveaux.
6- L’isolement diplomatique dans un monde de plus en plus globalisé, d’une Algérie dépassée et marginalisée, en queue des classements internationaux dans tous les domaines. Le changement, c’est une nation sûre de ses atouts et capable de défendre ses intérêts bien exprimés, bien compris et bien intériorisés dans la course mondiale actuelle. Aujourd’hui, la puissance d’une nation se mesure par sa capacité d’innovation et la qualité de son système éducatif et de son système de formation de managers. A ce titre, l’on peut considérer que les expériences menées ces vingt dernières années par des nations comme la Chine, l’Inde ou le Brésil, véritables pays continents, dessinent des perspectives de développement dans d’autres parties du monde, à travers des groupements sous-régionaux tels que le Maghreb. Celui-ci, en raison de son appartenance à une culture et à une civilisation communes à l’ensemble des populations qui le composent, peut s’ouvrir globalement sur le monde en cultivant une relation homogène avec les autres pays, au sein d’une organisation adéquate que nous nous appliquons à mettre sur pied. Par ailleurs, notre orientation maghrébine- sahélienne nous offre des opportunités et nous impose des obligations.
7- Le risque de dislocation de la Nation et le partage du territoire. Des forces significatives appellent de plus en plus ouvertement à l’autonomie de certaines régions, voire le partage du territoire. Il faut s’en inquiéter sérieusement. La situation de non gouvernance actuelle conforte la forte probabilité de vivre en même temps la violence sociale et la violence terroriste. C’est alors la trappe de misère permanente et la porte ouverte à la dislocation de l’unité nationale et le danger sur l’unité du territoire. Dans le cas de l’Algérie, et dans l’état actuel des choses, cela interviendra avec la baisse sensible des capacités d’exportations d’hydrocarbures que je situe entre 2018 et 2020. Mais avec le mélange détonnant de pauvreté, de chômage chez les jeunes, de corruption généralisée et de perte de la morale collective, elle peut intervenir à n’importe quel moment. Le changement, c’est la mise en place d’une période de transition pour la sauvegarde de la Nation et la préservation des intérêts des générations futures. Ce sont là, les sept programmes d’urgence sur lesquels doit se construire le changement. De même que les trois dossiers fondamentaux : la refondation de l’école, la refondation de l’Etat, la refondation de l’économie. Si le changement de tout le système de gouvernance est sollicité par la grande majorité des forces vives, comment le réaliser ? Avec l’expérience tunisienne et égyptienne, nous avons le mode opératoire du départ des symboles du pouvoir, notamment le chef d’Etat. Il s’agit de quatre leçons qui définissent quatre hypothèses de travail solides parce que construites à partir d’expériences vécues, à savoir la capacité des citoyens à changer le régime, les pressions multiformes exercées sur les tenants du pouvoir, la neutralité positive sinon encourageante des forces armées et des forces de l’ordre et l’accès facile aux instruments nouveaux de mobilisation, nous savons la voie à suivre pour assurer le départ des symboles du pouvoir. Nous avons le mode opératoire pour faire partir les premiers responsables du régime actuel. C’est certes, une condition nécessaire, mais elle est loin d’être suffisante pour réaliser le changement. Alors, une fois le départ des chefs réussi, comment faire pour réaliser le changement ? En réalité, le changement se fera en deux étapes : celle du départ des symboles du pouvoir en place qui se réalise dans la mobilisation des masses et particulièrement la jeunesse, celle de la réalisation du changement qui nécessite la mobilisation des compétences nationales en symbiose avec les forces de la première phase. Dans cette deuxième étape, la réussite du changement passe par la mise en place d’une période de transition et de sauvegarde selon le programme suivant.
1- Organiser une Conférence Nationale pour le Changement composée des éléments du pouvoir capables de saisir l’opportunité de leur propre sauvegarde et celle du pays d’un côté et des personnalités ayant une présence de caution au sein de la société et disposant d’une respectabilité de l’autre pour le choix d’un Haut Conseil de l’Endiguement de la Crise (HCEC), composé de 5 à 6 personnes, avec pour mission en trois mois :
- Elaborer une feuille de route pour l’endiguement de la crise et la préparation du changement du système de gouvernance.
- Lancer un grand programme de communication pour expliquer la mission du HCEC avec l’ouverture d’un débat à toutes les composantes de la société. Ce programme de communication n’aura de crédibilité que s’il est précédé de la levée effective et non cosmétique de l’état d’urgence, l’autorisation de création de partis politiques nouveaux pour l’implication de la jeunesse dans le travail politique et l’ouverture du champ médiatique avec la possibilité de création de nouvelles chaînes de télévision et de radios en dehors du contrôle du pouvoir.
- Sélectionner et préparer à la nomination les membres d’un Gouvernement pour l’Endiguement de la Crise (GEC) qui aura pour mission, la mise en œuvre des feuilles de route établies par le HCEC et la préparation du changement sur une période de 12 mois. A la fin de la période de trois mois, interviendra la nomination du gouvernement GEC avec des missions rigoureusement consignées dans des feuilles de route pour chaque secteur et bien entendu, les sept programmes ainsi que les trois grands dossiers déjà présentés plus haut. Il aura à préparer pour la fin de la période de sa mission, un référendum sur la Constitution, des élections présidentielles anticipées et des élections législatives. Les membres du HCEC auront pour mission durant ces douze mois, la mise en place d’un système de contrôle de la réalisation des missions confiées au gouvernement GEC. De même la continuation des débats et des consultations avec toutes les catégories de la population pour la rédaction d’un projet de révision de la Constitution qui sera soumis à référendum à la fin de la période des douze mois.
Aux tenants du pouvoir, il faut dire :
- Le train du changement est en marche ; le freiner ou le retarder ne fera qu’aggraver la situation et en premier lieu votre propre salut.
- Le choix est évident : anticiper la catastrophe ou la subir.
- La rente est un moyen de se maintenir au pouvoir qui deviendra bientôt l’accélérateur de sa destruction.
- Vous devez reconsidérer tout le problème du changement à la lumière des derniers événements dans la région et ainsi préparer une sortie honorable.
- Depuis le début 2011, bien des choses ont changé et le monde est de plus en plus en éveil ; la peur est passée du côté des citoyens vers celui des autocrates.
- Les réformes qui n’ont pas été réalisées en douze ans d’exercice du pouvoir le seront-elles en quelques mois ?
- Mais quel est l’homme d’Etat au pouvoir qui est capable de faire entendre raison aux autocrates et leur faire comprendre et accepter la nécessité du changement ?
Aux forces du changement, il faut dire :
- Bien que convaincus de l’inéluctabilité du changement, les tenants du pouvoir ne veulent pas, n’osent pas ou n’ont pas la force morale pour affronter les intérêts puissants qui s’accommodent du statu quo, derrière les rideaux.
- Entre un pouvoir autiste et fermé à toutes les revendications et des forces vives de la Nation décidées à défendre leurs droits à la liberté, le choc est inévitable.
- Le pouvoir s’imagine que par la dilapidation des ressources financières, la corruption et une répression mieux organisée, il peut s’assurer des allégeances et acheter la paix sociale.
- Il est fort probable que si les autocrates ne se ressaisissent pas à temps pour prendre les devants et rechercher avec les forces du changement, des compromis honnêtes et sérieux que nécessitent les circonstances et que commandent les intérêts partagés, la jeunesse maltraitée, humiliée, menacée de perdre son âme, embrase tout le pays, à l’image des incidents du début de cette année 2011.
- Les autocrates semblent vouloir vendre l’idée que l’Algérie est différente des autres pays de la région et que ces revendications répétées ne sont que des remous passagers. Alors en gagnant du temps, ils pourront conserver toutes leurs positions. C’est le sens qu’il faut donner au dernier discours du président de la République.
- Hier la lutte pour l’indépendance s’est appuyée sur le nationalisme au niveau local et sur la décolonisation au niveau international. Aujourd’hui, la lutte pour la libération de l’individu s’appuie sur la citoyenneté au niveau local et sur les droits universels à la liberté et à l’émancipation au niveau international. Les temps, les espaces, les environnements sont différents mais les processus sont les mêmes. Hier, c’était la lutte armée pour chasser l’occupant sourd à toute idée de négociation ; aujourd’hui, c’est le combat citoyen pour changer le système autocrate, répressif, sourd à toute idée de dialogue, par une mobilisation pacifique qui s’exprime dans les marches, les rassemblements, les manifestations et les grèves.
J’appelle tous ceux qui ont à cœur de sauver l’Algérie, quels que soient la position et le lieu où ils se trouvent, quelle que soit l’institution à laquelle ils appartiennent, à se mobiliser, réunir leurs forces pour la réalisation des objectifs tracés dans cette lettre programme dans les plus brefs délais. Nous sommes déterminés à aller dans cette direction, d’autant plus courageusement que le peuple ne croit plus en la sincérité des systèmes de pouvoirs actuels et réaffirme sa conviction que l’heure des réformes de façade est largement dépassée. Plus que jamais, le peuple exige le changement et veut éradiquer les stigmates des malheurs qu’il a endurés. De fait, tout est déjà en place pour assurer la fin de partie pour les gouvernants reniés par leurs peuples. La suite des événements pourra alors s’envisager dans un esprit nouveau, d’ouverture, de justice et de sagesse. Une transition sera instaurée, comme diverses personnalités n’ont pas manqué d’y faire référence. L’heure est certainement grave. Cependant le peuple algérien, comme il l’a déjà démontré, saura y faire face. Il saura surmonter toutes les épreuves et vivre sa modernité dans la sérénité et la liberté ! «Et qui atteints par l’injustice, ripostent.» Coran 39-42.
A. B
http://www.lexpressiondz.com/actualite/145730-devaluation-rampante-du-dinar.html


Interprétation originale et intéressante de la crise économique mondiale


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Fredmund Malik est un économiste et auteur de livres connu. Dans cette interview, l’Autrichien explique les raisons de la crise et pourquoi celles-ci sont tellement dangereuses. Son pronostic est sombre: l’effondrement menace les bourses. Il y a des défaitistes et aussi des personnes dont l’opinion dépasse encore leurs pronostics sceptiques. Fredmund Malik fait partie de ce groupe. Il est économiste scientifique et directeur du «Malik Management Zentrum» à St-Gall.
Handelsblatt: Nous sommes toujours bloqués dans la crise financière. Où en voyez-vous, en tant que conseiller d’entreprise, les causes?
Fredmund Malik: C’est le surendettement et le mauvais pilotage économique comme conséquence d’une fausse direction d’entreprise et de stratégies radicalement fausses. Ce management erroné est enseigné depuis des décennies dans les écoles d’affaires (business schools) et il s’est répandu comme une plaie. Il est également responsable du fait que de plus en plus de têtes intelligentes ne sont pas allées dans l’économie réelle, mais dans l’économie financière. Il s’agit entre autres aussi de système de bonus qui détruisent l’économie et qui aiguisent de faux intérêts. Dans les entreprises, cela a entraîné beaucoup d’amertume, de mépris et de luttes fatales, phénomènes que les dirigeants d’entreprise ne perçoivent pas du tout. De larges fossés se sont ouverts dans les cultures d’entreprises. Et cela en un temps où les entreprises auraient besoin de la confiance toute entière.
Quelles ont été les prémices de cette situation?
Dans la pensée du «Shareholder-value» (pensée axée sur la valeur boursière). En 1986, la publication d’un livre la rendit populaire. Mais la valeur boursière n’est pas du tout un critère d’appréciation d’une prestation économique réelle et elle induit les cadres dirigeants systématiquement en erreur. Le soi-disant boom économique de la fin du siècle passé se basait sur le crédit. Les banques d’émission ont mené une politique totalement fausse avec leur politique des bas crédits. La ­pensée en dimensions financières prit le dessus, même dans la direction d’entreprise. Exprimé de façon cynique: l’homme a été dégradé au niveau du montant en espèces de son assurance-vie, moins les frais d’enterrement. C’est ainsi que nous sommes parvenus en fait à des systèmes de motivation faux, lesquels ont été propagés par les écoles et surtout par les conseillers d’entreprises.
Pourquoi était-ce si séduisant en pratique?
«Shareholder-value» signifie: nous voulons faire de l’actionnaire quelqu’un de riche. Mais ça ne doit pas être le but d’une entreprise, bien que ça puisse aussi être un résultat. Il est séduisant de juger une entreprise selon des chiffres financiers de référence parce que ça semble si simple. C’est beaucoup plus simple que de parler par exemple d’innovations ou de stratégies – alors que ça c’est décisif. Les chiffres financiers de référence n’aident pratiquement pas, parce qu’ils ne reflètent la réalité qu’à court terme. J’affirme même que plus les chiffres opératifs son bons, plus l’entreprise occupe une position dangereuse. L’ancien chef de Daimler, Jürgen Schrempp, a par exemple enterré des montants en milliards à deux chiffres en rachetant Chrysler. Ferdinand Piech de VW ou Helmut Maucher de Nestlé sont des contre-exemples.
Que peut-on faire contre le surendettement?
Il faut en priorité des méthodes innovantes dans le fonctionnement de l’organisation et du management. On devrait aussi fermer temporairement la plupart des facultés économiques des universités et des business-schools et se demander, avant un nouveau départ: pourquoi vous, les scientifiques, avez-vous toléré cela et ne l’avez-vous pas remis en question? Nous avons vécu dans une période de pollution systématique de la conscience. Le monde était modelé par des personnes qui ne se percevaient eux-mêmes et le globe qu’à travers la dimension de l’argent, qui évaluent tout en argent. Une facette de cette façon de faire fait que nous avons développé la bourse en un infotainment séduisant. Ça a causé des dommages supplémentaires. Au tournant du siècle, à la fin de la grande hausse, bien des gens ont acheté des actions en passant surtout par les fonds de pension, et à présent ils subissent des pertes qui n’en sont qu’à leurs débuts.

L’indice boursier allemand est menacé d’une dégringolade radicale

 

Comment les entreprises et les banques ont-elles perdu pied?
Elles ont été dopées par des crédits. De nos jours, quand des entreprises se financent à 100 pourcent par leur capital propre, les analystes secouent la tête. Puisque le credo c’est: Il faut doper le rendement du capital propre par des capitaux étrangers. C’est exactement cette tendance qui a conduit à un endettement massif des ménages, des entreprises, des banques et finalement de l’Etat. Et bien entendu cette course aux dettes était aussi responsable de la forte hausse des marchés boursiers. Le secteur financier s’est fortement éloigné de ses origines. A l’origine, il devait financer les investissements et le commerce. Mais dès la fin des années 1990, le volume des affaires financières pures s’élevait de cent à mille fois de ce dont l’économie réelle aurait eu besoin.
Où situez-vous la relation entre dettes et marchés financiers
Les crédits et la cupidité poussaient ce marché financier à crever. En revanche, on enseignait dans les écoles: la hausse est une conséquence naturelle de la direction d’entreprise couronnée de succès. C’est pourquoi il y aura une mauvaise surprise quand les cours redescendront au niveau du début de la hausse, ce qui s’est toujours produit dans des situations semblables. Pour l’index Dow-Jones, cela signifie: à 1000 points. Pour l’indice boursier allemand, ça fait environ 500 numérateurs. Bref: moins qu’un dixième des valeurs actuelles.
Du point de vue actuel, cela semble impossible …
La crise en tant que telle parut impossible à la majorité des gens. Je m’attends à une poursuite de l’effondrement des marchés financiers. Si on n’engage pas des nouvelles méthodes révolutionnaires, la suite sera probablement la plus grande dépression déflationniste de l’histoire. Cela signifie un recul massif de la production économique et par conséquent des rentrées fiscales. S’en suit un enchaînement de faillites bancaires et de faillites d’Etats. Ce qui est certain, c’est que les entrepreneurs n’investiront plus dans un environnement pareil. J’attends le niveau zéro pour 2015 ou 2016. Alors, la production économique sera de 30 à 50 inférieure à aujourd’hui. Je m’attends en même temps à un changement des valeurs de grande amplitude; entre autre, l’égoïsme néolibéral sera remplacé par un nouvel esprit de solidarité.
Où l’endettement et l’évolution des cours se recoupent-ils?
Des cours d’actions à la baisse et des prix de matières ne sont un problème que si les positions sont basées sur un crédit excessif – ce qui est le cas aujourd’hui. Même si le cours des actions ne baisse que faiblement, le propriétaire doit réinjecter de l’argent. S’il ne peut pas, la banque sera obligée de liquider la position, donc de vendre le stock. C’est ainsi que se développe une spirale descendante diabolique qui tourne de plus en plus vite et qu’on ne peut pas stopper avec des moyens traditionnels. Les marchés durablement baissiers sont donc exactement aussi exagérés que les hausses l’étaient auparavant.

La globalisation est en partie annulée

 

L’actuelle politique de lutte contre la crise a-t-elle échoué?
Jusqu’à présent, oui. On essaie de sauver le vieux monde et on continue de donner des verres d’eau-de-vie à l’alcoolique. Comme je l’ai expliqué, les causes remontent loin dans le passé. Dans leur croyance en une aisance éternelle, les Américains ont empilé des dettes publiques. Comme je l’ai décrit, ce sont avant tout les entreprises financières qui ont eu exactement ce comportement. Alan Greenspan, l’ancien président de la banque d’émission, a manqué la dernière chance de correction avec sa politique de taux d’intérêt bas et au lieu de ça, il a provoqué une bulle des marchés immobiliers et d’emprunts. Aujourd’hui, les USA occupent, en termes d’économie réelle, la position d’un pays en voie de développement.
Que signifie cette sombre perspective déflationniste?
D’abord, la liquidation de crédits insoutenables. Le volume devrait se situer dans un ordre de grandeur de nettement plus de 100 billions de dollars. Nous parlons d’une obligation de vendre chez toutes les catégories de fortunes: actions, emprunts, participations d’entreprises, matières premières, même des biens immobiliers qui peuvent aussi ­tomber jusqu’à un dixième de leur valeur maximale.
Et l’investisseur?
Lui, il a peu d’options. Sur la durée, l’argent prendra de la valeur. C’est pourquoi l’investisseur devrait conserver son argent cash, dans une bonne monnaie, auprès de sa banque. Plus tard, il doit le déposer à son domicile pour ne pas se faire attraper lors d’une ruée sur les banques. Les systèmes de sécurité de dépôts sont conçus bien trop petits. J’estime que plus de la moitié des instituts deviendront insolvables.
Quelles sont les évolutions sociales auxquelles nous devons nous attendre?
Avec de nouvelles méthodes, on peut avoir le potentiel d’un nouveau miracle économique et d’une nouvelle stabilité sociale. Mais si on continue comme jusqu’ici, l’Amérique s’isolera, l’Union européenne perdra de sa cohésion et se disloquera. Nous allons vers une époque de protectionnisme. La globalisation sera en partie annulée. En politique, la radicalisation constitue un grand danger.
Je vous remercie de cet entretien.    •
Source: Handelsblatt du 26/2/12
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http://www.solidariteetprogres.org/Un-economiste-japonais-attibue-la-crise-au-demantelement-de-Glass-Steagall_08718


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A FONDS PERDUS : Défaut de rationalité   par A.Belhimer



Il y a cinq ans, jeudi 9 août 2007, était signée la fin du mythe néolibéral d’un capitalisme financier s'autorégulant, suivant d’hypothétiques «anticipations rationnelles» des acteurs, comme certains économistes anglo-saxons ont longtemps pu le croire, marquant ainsi le début d'une crise internationale qui perdure encore. Ce jour-là, les grandes banques centrales entraient en scène pour éviter une paralysie totale du marché interbancaire international que pouvait provoquer une forte suspicion sur la solidité des banques engluées dans la crise des «subprimes» américains.
Fait nouveau : la réaction des banques centrales ne se fit pas attendre. Entre le 9 et le 10 août, la BCE va répondre à toutes les demandes d'emprunt des banques pour un montant record de 94,8 milliards d'euros. Elle sera imitée par la Fed et la Banque centrale du Japon. Au total, les banques centrales injectent plus de 330 milliards de dollars dans le circuit monétaire international, volant ainsi au secours des banques menacées de banqueroute : elles sont, selon le cas, refinancées, nationalisées ou reprises. La facture prudentielle est lourde : le FMI l’évalue à 2 800 milliards de dollars. Pendant ce temps, des millions de petits épargnants, voire des retraités, étaient ruinés, et des propriétaires de logements payés à crédit jetés à la rue. «L’injustice avec ses yeux», dirait ma défunte grand-mère. Après les pauvres, les Etats eux-mêmes. De fil en aiguille, l'aide des Etats et des banques centrales pour éviter l’effondrement du système bancaire et le redresser, couplée avec les programmes de dépenses publiques, va fragiliser les grands pays industrialisés et transformer la crise des «subprimes» en une crise des dettes souveraines quelques années plus tard. Au-delà de la complaisance, de la complicité ou de la corruption des politiques, l’événement dévoile, de l’avis de Jean-Marc Vittoli, l’ignorance par la grande majorité des économistes des phénomènes de contagion et la question de la liquidité, au cœur de la crise financière, et – partant de là — le besoin de « rebâtir une vision globale cohérente»(*). L’auteur de cette pertinente observation rappelle une actualité passée inaperçue : «Avec toute son ingénuité d'octogénaire bien née, la reine d'Angleterre mit les pieds dans le plat. En inaugurant un nouveau bâtiment de la London School of Economics, en novembre 2008, Elisabeth II s'interrogea gravement sur la crise financière : “Pourquoi donc personne n'a prévenu ?” L'un des dirigeants de la prestigieuse institution britannique, Luis Garicano, lui répondit : “A chaque endroit, quelqu'un comptait sur quelqu'un d'autre et chacun pensait qu'il faisait ce qu'il fallait faire.”» Et de conclure : «Mais Garicano est un professeur de management. Les professeurs d'économie, eux, ressassent toujours la question. La crise économique est aussi, et peut-être d'abord, une crise de la pensée économique.» Pour lui, la crise en cours réhabilite Hyman Minsky, qui avait théorisé à partir des années 1960 «l'hypothèse d'instabilité financière», associant deux concepts pratiquement absents de la boîte à outils des économistes : la contagion et le risque de liquidité. Ce sont justement ces deux concepts qu’illustre l’arrêt brutal des banques de se prêter de l'argent les unes aux autres, à partir du 9 août 2007. Hyman Minsky est un socialiste américain d’origine russe, auteur d’une synthèse de Keynes et de Schumpeter, qui se retrouvent sur la question essentielle de l’innovation. Hyman Minsky s’est pour sa part attardé sur le rôle de la monnaie, de la banque et des finances dans l'instabilité du capitalisme. Dans Stabilizing an Unstable Economy (1986), Hyman Minsky traite un thème qui sonne particulièrement juste aujourd'hui : il concerne ce qu'il a appelé une hypothèse d'instabilité financière.» Il y énonce l’idée, dialectique disait-on, que la stabilité produit de l'instabilité, le capitalisme lui-même se déséquilibrant intrinsèquement. En effet, ses principaux acteurs (les professions financières, banquiers, mais aussi toutes sortes d'intermédiaires) se lassent très vite de profits modérés et prennent des risques plus élevés, en proposant des produits de financement innovants en périodes de croissance, mettant en péril la stabilité du système. Hyman Minsky identifie trois groupes de personnes morales ou physiques qui vont profiter de ces innovations financières : - «Hedge unit» ou «acheteur rassurant » : il est qualifié ainsi parce qu’il va emprunter une portion seulement du bien qu'il souhaite acquérir ; - «Speculative unit» ou «spéculateur » : plus ambitieux, il emprunte avec frénésie, dispose de moins de fonds propres et ne peut assurer que le paiement des intérêts, sans remboursement du principal qu’il refinance, à échéance du premier emprunt, par la contraction d'un nouveau prêt ; - et «Ponzi unit» ou «fraudeur en pyramide» : il est incapable de payer les intérêts et encore moins de rembourser le principal ; il a recours à la capitalisation des intérêts et ne peut espérer gagner de l'argent qu'en trouvant quelqu'un qui voudra bien lui racheter son bien plus cher qu'il ne l'a payé. Cette recherche effrénée de profits conduit à une accélération de la distribution de crédit avec, pour corollaire ou effet simultané, un accroissement des prix de certains actifs. Dès lors, seule une régulation financière peut limiter leur soif de spéculateurs d’assurer une croissance stable(**). Voilà qui, de l’avis de Jean-Marc Vittoli, jette un sérieux doute sur la rationalité de l’économie et des économistes : «Dans les années 1950, le Français Maurice Allais avait prouvé à une auguste assemblée d'économistes américains qu'eux-mêmes n'étaient pas rationnels. Dès 1978, Herbert Simon a été distingué par le Nobel d'économie pour ses travaux sur la rationalité limitée. Le jury de la Banque de Suède attribue d'ailleurs de plus en plus souvent son prestigieux prix à des chercheurs qui montrent d'une manière ou d'une autre (information asymétrique, psychologie...) pourquoi les hypothèses centrales des grands modèles économiques sont irréalistes. Mais beaucoup d'économistes ont préféré continuer à travailler avec des hypothèses fausses, notamment parce qu'elles se prêtent à l'usage des mathématiques ! Avec la crise, d'autres champs de la science économique sont toutefois soudain venus à la lumière. C'est le cas de l'histoire, avec les travaux de Kenneth Rogoff ou de Niall Ferguson. C'est le cas aussi de tout ce qui tourne autour des ressorts profonds de la décision — économie dite “neuro”, comportementale, expérimentale. Mais ils donnent des éclairages ponctuels. La vision globale des grands mécanismes économiques et de leur articulation, elle, est entièrement à rebâtir.»
A. B.
(*) Jean-Marc Vittori, Le grand doute de la science économique, Les Echos, 9 août 2012.
(**)
Gilles Dostaler, Hyman Minsky et le capitalisme rongé par l'instabilité financière, Alternatives économiques, n°258, mai 2007.

 Ammar Belhimer