Gouvernance


Un programme politique doit être structuré sous forme de système. Au lieu de faire une liste de projets secteur par secteur il faut les  hiérarchiser par ordre de priorité et ainsi établir des liens entre eux. Voici un schéma général qui pourrait être utilisé
Quel est l’élément central qui va animer le système et créer ainsi un effet d’entrainement pour atteindre les objectifs ? Comment donc assurer le développement économique, social et culturel pour atteindre la stabilité sociale et politique?
PHASE 1
1/ Elément central 1: Une population au chômage ou sous payée ne peut être mobilisée pour aucun objectif national quelque soit sa valeur. Par contre, n’ayant rien à perdre elle peut être facilement mobilisée pour la casse et le désordre.
L’objectif premier est donc de lutter contre le chômage donc de créer de l’emploi, donc de créer des entreprises dans le cadre d’un développement économique national autocentré hors hydrocarbures basé sur une politique de développement durable, d'équilibre régional et de protection de l’environnement
1.1  Quel type d’entreprises : PME/PMI ; TPE ; Start-up ; grande entreprises ; industrie lourde ? Pourquoi ?
1.2  Entreprises privées, publiques, partenariat public/privé ? nationales ou étrangères ? Pourquoi ?
1.3  Quels domaines ? mécanique ? chimie ? textile ? etc. Pourquoi ?
1.4  Dans quelles régions ? équilibre régional au Nord et valorisation des hauts plateaux et du grand Sud, protection des terres agricoles. Une politique dynamique de création de villes nouvelles sur les zones arides du sud et loin des zones sismiques. Création de pôles de compétitivité intégrés
1.5  Quelle politique agricole  en liaison avec le secteur industriel?
1.6  Quel système de financement ? Valeur du Dinar ?
1.7  Quelle place  donner au secteur informel ? Quel système de contrôle ?

1.8  Quelle politique énergétique? énergies renouvelables
1.9  Quel système d’éducation et de formation pour répondre aux besoins des entreprises  en ressources humaines qualifiées?

1.10  Quel système de protection des cadres et de la matière grise en général: mise en place d'un observatoire de la gestion des cadres: recrutement, gestion des carrières, etc.  
 
1.10  Quelle liaison systémique établir entre ces éléments pour en faire un programme où apparaissent clairement son financement, son timing et les éléments institutionnels et humains pour sa mise en place.
2        . Elément central 2. L’objectif second lié au premier est de disposer d’une force de travail  en bonne santé, bien nourrie, bien logée, bien transportée et socialement protégée en mesure d’assurer l’augmentation de la production
2.1  Quel système de santé ? Public ? Privé ? Comment protéger la population contre la maltraitance en milieu hospitalier et secteur privé ? (droit des malades)
2.2  Comment éviter les ruptures de médicaments ? Quelle place pour la production nationale ?
2.3  Quel système de contrôle des prix des produits de première nécessité ?
2.4   Quel système de logement ? politique de la ville, politique architecturale, politique urbanistique, système de financement pour les petits revenus,
2.5  Quel système de transport ? Urbain, rural, semi rural
2.6  Comment assurer une fourniture en eau, en électricité et gaz de ville,  régulière et à des prix étudiés ?
2.7  Quelle législation du travail ?

PHASE 2

Une fois les besoins primaires satisfaits assurant ainsi l’augmentation de la production, l’augmentation de la productivité quant à elle, nécessitera l’assainissement de l’environnement de l’entreprise et de la population
  1. La priorité des priorités est la lutte contre la corruption et les passe-droits. Celle-ci nécessitera
1.1  La  Protection des jeunes, des femmes et des populations vulnérables en général par une assistance matérielle et morale. Lutte active et permanente contre la déchéance morale et civique (Comment?)
1.2  La promotion du système associatif et de la liberté d’association,
1.3  La lutte implacable contre les petites et grandes délinquances (comment?)
1.4  Un système judiciaire juste et efficace
2.      La promotion de la vie sociale et culturelle
2.1  La protection de la vie privée et des droits humains en général
2.2  La protection du patrimoine
2.3  La mise en place d’une politique culturelle
2.4  La mise en place de structures de divertissement et de loisirs
PHASE 3
Défendre les intérêts politique et économique du pays : politique régionale et internationale

CONCLUSION

La stabilité sociale et politique ne peut être obtenue que par une population qui se sent protégée et rassurée matériellement et moralement. Une population à qui on explique clairement les objectifs poursuivis, les  moyens mis en place pour ce faire mobilisera toute son énergie pour les atteindre et les défendre même quand cela nécessitera de gros sacrifices. Donc expliquer et expliquer encore et ne jamais dévier des objectifs poursuivis.  Les peuples ne sont pas bêtes. Quand on les implique ils sont volontaristes et engagés sinon ils versent dans la tristesse et le défaitisme. Cela ne dépend que de la compétence des dirigeants de partis et de l’Etat en général.

Auteure: Djazya, le 3 Avril 2012





Vous trouverez ici les articles des professeurs et docteurs: MC Belmihoub, Abderahmane MEBTOUL,  Liès GOUMIRI ,  A. Benbitour (1), Abdelatif Rebah, Samir Bellal., A Hadj Nacer, Omar Aktouf , A. Benbitour (2), M.Goumiri, Z.Mebarki ,   Bernard Conte (fin de page) ainsi qu'un entretien avec M.Rocard  



L'ordre de publication obéit à l'ordre d'édition dans la presse, du plus ancien au plus récent


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La réussite de notre nation « ne passera que par une mobilisation collective nourrie par un projet d’ensemble et une vision dont les valeurs et les espérances méritent l’engagement de chacun ».

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 Pr. Abderahmane MEBTOUL et Docteur Liès GOUMIRI

Au moment où l’on parle d’engager des réformes en profondeur à la fois politiques et économiques afin de réaliser une transition démocratique pacifique en espérant que les actes suivront la parole, que ce ne seront pas du replâtrage, sachant que par le passé bon nombre de promesses et lois n’ont jamais été appliquées expliquant le divorce croissant entre les dirigeants et les citoyens, nous proposons dans cette modeste contribution, afin de susciter un d ébat productif, de poser un problème stratégique déterminant pour l’avenir de l’Algérie à savoir l’urgence d’un Re-Engineering pour l’Algérie en six questions réponses.

1- Quel bilan tirez-vous de l’action gouvernementale de la dernière décennie?

Il faut partir de la situation antérieure puis évaluer celle d’aujourd’hui. Nous dirons d’abord que l’Algérie n’est pas à l’abri des périls qui la guettaient avant et n’a pas trouvé à ce jour la voie de sortie d’une crise multidimensionnelle aigüe. Les problèmes majeurs demeurent, la crise de confiance persiste à l’intérieur et à l’extérieur de l’Algérie, accentuée par les scandales financiers.
Les conditions critiques d’implosion demeurent, les frustrations persistent, les perspectives s’assombrissent et enfin les fondements d’un développement durable du pays ne sont toujours pas réalisés. Si nous nous arrêtons aux équilibres macroéconomiques et la dette il est évident que nous avons bénéficié d’une conjoncture favorable à nos exportations d’hydrocarbures et de bonnes conditions pluviométriques qui nous donnent un peu de répit. Cette embellie est indépendante de nos efforts.
La manne pétrolière a permis à l’Algérie d’effacer une énorme dette de consommation anarchique et d’engager des dépenses d’infrastructures jamais égalées. C’est un acquis pour le pays peut-on dire sans contexte, comme le programme d’industrialisation tout azimut des années 70 aurait dû permettre à l’Algérie de sortir du sous-développement. Que sont devenues ces usines clé en main et tous ces complexes intégrés ? En 1990, lors d’une visite dans notre pays, le Président japonais du KEIDAREN disait : l’Algérie, Quel gaspillage ! Il n’est pas permis de commettre deux fois de suite les mêmes erreurs. Nous n’avons pas le droit de gaspiller des ressources non renouvelables pour un développement non durable. Si l’Algérie investit dans les biens durables et les techniques modernes, ceux-ci doivent s’accompagner par des investissements tout aussi importants dans l’éducation-qualification, la démocratie-liberté et l’environnement-préservation.

C’est là que le bas blesse ! C’est l’investissement immatériel qui manque aujourd’hui cruellement à ce pays. Nous pouvons investir autant de milliards de US$ sans connaître de développement voire régresser, comme nous le craignons aujourd’hui. L’âge d’un pays n’a rien à voir avec son niveau de développement, ainsi l’Egypte et l’Inde ont plus de 2000 ans et sont classés pays pauvres, le Canada et l’Australie ont moins de 150 ans et sont classés pays riches.
De même la taille des pays et leurs richesses naturelles n’ont pas d’effet direct sur leur niveau de développement, à l’instar du Japon petite ile sans ressources naturelles mais véritable « usine flottante » et de la Suisse, sans culture de cacao, produit le meilleur chocolat et tire sa richesse de sa stabilité et son sérieux.
On construit une économie d’abord sur les valeurs morales d’une société (l’éducation civique, le code de l’honneur, le patriotisme authentique, la tolérance, la discipline, la rigueur, la performance, le sens du devoir, l’ordre de mérite, la loyauté, le gout de l’effort, la promotion sociale, la déontologie, la connaissance, le sens de la responsabilité, le challenge, la citoyenneté, l’honneur, la solidarité, la famille, la patrie…).

Quand comprendrons-nous que la structure des sociétés modernes et puissantes qui dominent le monde, s’est bâtie d’abord sur des valeurs et une morale (qu’ils appellent : les valeurs et principes universels). Nous devons impérativement recomposer nos valeurs et nos principes pour reconstruire une société algérienne moderne et ouverte à la culture et au développement économique, technique et social.

2- Quelles sont les actions urgentes pour mener l’Algérie vers une sortie de crise ?


En quelques mots, c’est

  • d’abord, œuvrer pour bâtir une démocratie dynamique assise sur une justice indépendante, compétente et diligente.
  • C’est ensuite de sortir d’un système de Gouvernance archaïque pour un système participatif et qui appelle aux compétences algériennes locales et celles établies à l’étranger. C’est en d’autres termes, donner aux algériens l’envie de construire ensemble leur pays et d’y vivre dignement et harmonieusement.
  • C’est enfin, rétablir la confiance entre les citoyens et les institutions de la république, de préserver les libertés individuelles et consolider la cohésion sociale. C’est simple de le dire mais très difficile à faire et cela reste néanmoins l’apanage des sociétés avancées. Tant de questions nous interpellent aujourd’hui :

comment freiner la dégradation de notre santé publique et notre système éducatif ? Est-ce normal que nous soyons encore en 2011 contraints d’acheter des soins à l’étranger tandis que nos éminents médecins spécialistes se vendent sur plusieurs continents ?

Même chose pour l’éducation, quand allons nous arrêter la baisse du niveau de notre baccalauréat et de nos diplômes universitaires?

 Pourquoi les classes Maths- Elémentaires sont-elles désertées ? Pourquoi les diplômes et la compétition ne suscitent plus aucun engouement à nos étudiants ? Il est clair que notre système de santé publique se dégrade continuellement et notre système éducatif est laminé et débridé et il est urgent de les reformer tout deux, entièrement et profondément.

Comme également ne pas signaler cette absence d’un débat sur l’utilisation des réserves de change, de volonté politique de démocratiser la gestion de la rente des hydrocarbures et de réformer le système financier lieu de distribution de cette rente. Somme toute, l’Algérie reste un énorme chantier sociétal et toute sortie de crise, doit s’inscrire dans un programme de réformes structurelles profondes.

3- Quels axes de développement comme prioritaires ?


Le développement d’une nation est de fait horizontal et ses disparités régionales limitées. Pour notre pays, nous mettrons l’accent sur l’agriculture qui soufre d’un archaïsme déroutant. Il ne s’agit pas seulement d’injecter des subventions et soutenir les prix de certains produits jugés stratégiques. C’est du saupoudrage qui ne mène pas loin. La réalité est toute autre. Il faut visiter l’Inde, le Brésil, la Chine, l’Argentine, le Vietnam et les USA pour comprendre les enjeux de l’agro-business.

Tous ces pays nous vendent les denrées que nous ne produisons pas et eux ont depuis longtemps placé la production agricole au centre de leur développement économique. Depuis la réforme agraire des années 60 à ce jour nous cherchons à développer notre agriculture, mais en fait, avec nos nouvelles habitudes de consommation nous augmentons sans cesse la facture de nos importations.

La santé, dans les années 70 nous avions une avance considérable sur nos pays voisins voire ceux du continent. La médecine s’exporte très bien et les produits pharmaceutiques sont un des enjeux de domination et souveraineté des nations. L’Algérie aurait du être aujourd’hui un grand pays exportateur de produits pharmaceutiques et accueillir dans nos hôpitaux les patients étrangers qui ne peuvent se payer les services hospitaliers européens.

Aujourd’hui, nous observons avec tristesse, notre dépendance accrue en matière de soins chirurgicaux et produits pharmaceutiques. L’industrie chimique et gazière algérienne a raté le grand virage des années 80, pour se restreindre simplement à l’approvisionnement en gaz naturel de l’Europe et des USA.

La chimie du gaz judicieusement déployée aurait donné à l’Algérie une place dominante dans le monde par l’exportation d’une multitude de produits chimiques à très hautes valeurs ajoutées. Les monarchies du golfe, elles l’ont vite compris et mise en application.

Les petites industries de transformation n’ont pas non plus connu un véritable soutien à l’instar de pays comme l’Italie des années 70, plus récemment dans les années 80, l’Inde, le Brésil, la Turquie où, soit les régions soit l’état central offraient d’importantes facilités aux PMI pour leur assurer une croissance rapide et une intégration dans les processus d’industrialisation.

Dans les années 80, ces trois derniers pays offraient à leurs citoyens non résidants des soutiens financiers sans pareil pour séduire ces entrepreneurs venus en particulier d’Allemagne, UK et USA et maitrisant un savoir-faire. Ou se placent-ils aujourd’hui ces pays dans le classement de la BIRD ? Depuis 1969, nous parlons de transfert de technologies, qu’avons-nous réellement transférer et que maitrisent parfaitement aujourd’hui, nos ingénieurs, nos techniciens et nos entreprises ? Sérieusement, pouvons-nous éluder une telle question ? La priorité aujourd’hui est de bien penser nos actions et cesser de réitérer les mêmes erreurs : faire mal et refaire, faire faux et continuer, emprunter une impasse et persister.

4- Le grand défi l’Algérie n’est-il pas le défi à la mondialisation et dans l’après hydrocarbures ?


Notre prenons le train de la mondialisation en retard et y sommes accrochés sans y être installés. La chute est possible à tout moment. Notre salut nous le trouverons par l’application d’une politique volontaire et pragmatique de qualification de tout notre système de gouvernance. Toute l’Algérie a besoin de retourner à l’école.

  • En premier lieu, l’administration est progressivement devenue un pole de médiocrité et de toutes les dérives.
Il s’agit d’abord de réunir les conditions pour attirer les meilleurs cadres de la nation pour transformer notre administration en moteur du développement. La formation continue doit être généralisée à tous les niveaux et l’ordre de mérite devenir le levier de la promotion sociale. Aucun gouvernement n’a affiché comme ultime priorité : la qualification et l’intégration. C’est le moyen le plus sûr de prévenir la chute.
Dès 1969, l’Algérie a formé, tout azimut, des dizaines de milliers de techniciens en URSS, USA et Europe mais ne s’était pas penché sérieusement sur leur intégration dans le pays et leur placement aux postes clés. En définitive, ce potentiel est allé, en grande partie, renforcer l’élite de ces mêmes pays. Ce cycle persiste à ce jour et personne ne tire la sonnette d’alarme. Si nous en restons là, nous ne pourrons jamais affronter les défis de la mondialisation.

  • Qu’en est-il donc pour l’après hydrocarbures ? Tout le monde en parle mais personne ne veut s’y plonger sérieusement car cela donne des frissons. Pour l’ensemble du monde l’énergie est un problème stratégique. Les événements planétaires qui ont changé le cours de l’histoire des nations, tout le monde savait que cela allait se produire mais nous nous sommes toujours trompés quant à leur échéance : Cela arrive toujours plus tôt que prévu. Souvenez-vous, la réunification de l’Allemagne, l’avènement de l’Union Européenne, la fin de l’apartheid, la chute de régimes dictatoriaux et d’autres…
  • L’Algérie procède aujourd’hui à l’importation de gasoil!!!. L’épuisement pour l’Algérie est dans 40 ans pour certaines estimations, pour d’autres experts moins de 20/30 ans et certains membres du gouvernement récemment annonçaient de nouvelles découvertes et repoussaient encore plus loin l’échéance, mais en fait tout dépendant des vecteurs couts / prix internationaux et de la concurrence des énergies substituables.
Eh bien, après-demain, comment allons-nous vivre ou survivre ? Quelles ressources de devises trouver pour que l’Algérie puisse équilibrer sa balance commerciale ? Ces questions d’actualité sont éludées dans tous les débats et les programmes politiques et nous ne pouvons cacher notre grande inquiétude pour notre pays si nous n’entreprenons pas immédiatement des réformes structurelles permettant un Ré-Engineering profond de l’Algérie durant les 10-15 prochaines années et mené à pas soutenus.

5- Qu’est ce que le Ré-Engineering ?

Faut-il le rappeler qu’après l’indépendance, il s’agissait de recouvrer nos ressources naturelles et construire une économie algérienne prospère et durable. Le système économique colonial ne pouvait se poursuivre dans une Algérie indépendante. Les fameux plans (quadriennal et quinquennal) basés sur les exportations de pétrole et gaz ont permis certes à l’Algérie de dégager des ressources financières appréciables permettant de lancer un programme étatique volontariste d’industrialisation tout azimut.

Mais après ? L’Algérie s’est-elle industrialisée ? Le schéma directeur des industries industrialisantes des années 70 est mort. Le schéma directeur de la production en substitution aux importations est frappé de désuétude. Plus récemment, les autres schémas de la Privatisation totale ou des Investissements Directs Etrangers (IDE) ont montré leurs limites. Aujourd’hui, d’aucuns pensent encore que l’entrée à l’OMC ou l’adhésion improbable à UE pourraient tirer d’affaires l’Algérie.

 Arrêtons l’errance et comme dit l’adage « il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut rien entendre ».

Nous n’avons ni plan A, ni plan B, ni 3ème voie.

Pourquoi ? Tout simplement parce que nous ne changeons pas de système. L’Algérie économique et sociale est à repenser comme après l’indépendance. Nous ne pouvons pas continuer avec le système des années 70.

Le Ré-Engineering est une notion du BCG (Boston Consulting Group) qui préconise que les sociétés qui n’ont pas su se transformer dans la continuité face aux changements extérieurs doivent alors faire une mue franche, totale et dans des délais limités ou disparaître.


L’observation de quatre pays, L’Inde, le Brésil, la Corée et la RP de Chine où j’ai soit résidé soit effectué des « study tours » m’a permis de « mettre en équation » les fondements du développement de l’activité industrielle dans ces pays nouvellement développés :

  •  Formation-Education FE,
  • Bonne Gouvernance BG,
  • Partenariat Public-Privé PPP,
  • Veille Technologique VT,
  •  Implication des Non-Résidents INR,
  • Niches d’excellence NE,
  • Sous Traitance Internationale STI.
(NDLR: où placer le contrôle de la recherche effrénée du profit et le rôle régulateur de l'Etat?)

 Nous pouvons ainsi bâtir pour l’Algérie une matrice avec nos données spécifiques (FE, BG, PPP, VT, INR, NE, STI) et produire un master plan, associant les principaux pôles économiques et qui puisse engager notre pays dans une dynamique de développement/accumulation technologique par objectifs et c’est ainsi qu’on pourrait enfin entrevoir l’esquisse réelle de l’Algérie de l’après hydrocarbures.

 L’Algérie est actuellement dans une situation critique, il ne faut plus attendre, sinon il sera trop tard.

6- Comment réformer l’actuelle gouvernance ?


Nous observons qu’en matière de choix des dirigeants, nous puisons dans un même jeu de dominos les pièces pour jouer une partie puis on les mélange pour engager une nouvelle partie. Serions nous plus perspicace que d’aucuns qui ont déjà affirmé qu’aucun changement ne viendra sans une modification radicale du mode de gouvernance qui a traversé successivement quatre décennies, d’un système qui paralyse l’initiative et qui reproduit inéluctablement les mêmes schémas.

Nos intellectuels croient fortement qu’aucune réforme n’aboutira sans changements profonds de l’Etat, du système et des organes qui l’articulent. Nous sommes tous convaincus aussi que la bonne gouvernance devra accompagner ces changements sans précipitation, certes mais surement en associant des algériens de diverses sensibilités et compétences, y compris les non résidents.

L’Algérie sera sauvée par le génie des algériens et tant qu’on n’adhérera pas à ce principe de base nous vivrons une errance économique qui conduira à notre ruine.

Nous disposons de compétences suffisantes en Algérie et à l’étranger pour nous en sortir à condition cependant de savoir bien jouer nos cartes, de développer une stratégie économique basée sur nos capacités propres, d’opérer les choix judicieux avec nos partenaires étrangers et enfin d’utiliser nos richesses pour un développement durable.

 Il s’agit donc de préparer l’avenir des générations futures et donc de donner un espoir à la jeunesse.
Se mentir les uns les autres ou se cacher la réalité nous entrainera irrésistiblement vers d’autres épreuves tragiques. Nous restons constructifs en disant que tout n’est pas perdu mais le temps presse pour redresser le bateau Algérie et l’éloigner enfin de la zone de tempête où il se trouve.

Pour cela nous devons procéder sans complaisance à un examen très lucide de la situation et dresser le cas échéant un constat d’échec pour mieux réagir dans plusieurs segments de la vie économique et sociale tels: éducation-formation, santé, stratégie industrielle, modernisation de l’agriculture, culture financière des acteurs économiques, efficacité de l’administration, relance et croissance des entreprises, réduction des déséquilibres régionaux et inégalités sociales, formation civique et politique de la jeunesse et tant d’autres domaine.

Nous croyons que le peuple algérien a d’énormes ressources en lui-même et serait capable de réagir à l’instar d’autres peuples d’Asie ou d’Europe de l’Est qui ont su conjuguer la modernité, l’émancipation par le travail et la mise à niveau mais souvent après un changement radicale de type de gouvernance.
Nous osons imaginer une Algérie où les nouvelles générations vivraient confiantes et heureuses dans leur pays et où nous assisterons à un retour volontaire progressif des cadres expatriés. Pour finir, nous retenons ce que nous a dit un ancien ambassadeur accrédité en Algérie : « Savez-vous monsieur ce que j’envie le plus à votre pays ? Non ce n’est pas vos ressources énergétiques mais vos ressources humaines ». Avec cela dit, nous ne pouvons qu’y croire…

(*)Abderrahmane Mebtoul est docteur d’Etat Es Sciences Economiques (1974) est professeur des Universités et expert international. Il a été conseiller et directeur d’Etudes Ministère Energie Sonatrach 1974/1979/1990/1995-2001/2006- Premier Conseiller à la Cour des Comptes 1980/1983- Président du Conseil des Privatisations avec rang de Ministre Délégué de 1996/2000 et expert à la présidence de la république 2007/2008 ayant dirigé des audits d’intérêt national.
Lies Goumiri est docteur d’Etat ès-sciences physique de l’Institut National Polytechnique de Grenoble (France) et diplômé de Sciences Po Paris. Il a occupé d’importants postes dans l’administration centrale, CEO dans plusieurs entreprises publiques et privées et institutions internationales. Il a été associé à plusieurs missions de l’ONUDI et enfin consultant pour divers organismes et sociétés étrangères asiatiques.
http://www.algerie-focus.com/2011/03/23/six-questions-au-gouvernement-algerien-a-propos-de-l%e2%80%99urgence-d%e2%80%99une-nouvelle-gouvernance/




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Tunisie – Des zones franches comme antidote au commerce informel (ministre)

La création de zones franches dans les différentes régions du pays constitue un moyen de lutter contre le commerce parallèle qui porte préjudice à l'économie nationale, a estimé vendredi dernier, M. Mehdi Houas, ministre du commerce et du tourisme. M. Houas a ajouté, qu'il s'agit de trouver des solutions au phénomène du commerce parallèle et à la commercialisation des produits de la contrefaçon, notamment ceux qui constituent un danger pour le consommateur à l'instar de la cosmétique, de l'électroménager et des jouets pour enfants, lesquels produits doivent être soumis à des essais de qualité et de conformité aux normes. Il s'agit, en outre, de favoriser la restructuration du secteur qui offre des sources de revenu à environ 20 mille personnes..

http://www.maghrebemergent.com/actualite/fil-maghreb/3071-tunisie--des-zones-franches-comme-antidote-au-commerce-informel-ministre.html
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LES REFORMES ECONOMIQUES AU MAGHREB : LA GOUVERNANCE A L’EPREUVE DE L’AUTORITARISME. DES CAS EXEMPLAIRES DE DEFICIT EN GOUVERNANCE
Par Pr. Med.Chérif BELMIHOUB



1. Au Maroc.

Le programme de privatisation a été lancé en 1993 ; les outils ont été conçus pour achever la modernisation économique et sociale. Ce programme vise à aider le Maroc à compléter le processus de libéralisation entamé en 1980.
Le lancement de ce vaste programme était une préoccupation importante pour le Roi. Le processus a été organisé de façon à laisser un pouvoir discrétionnaire à la Bureaucratie et l’administration.

L’administration a abusé de l’argument du secret professionnel et de confidentialité des dossiers pour se soustraire à tout contrôle ou justification qui serait exigés par les organes de contrôle, administratif ou politique. Ainsi la transparence comme principe central de la gouvernance dans la gestion des finances publiques a été ignorée dans le processus.

Pourtant une modernisation de la fonction d’inspection a été conduite parallèlement au processus de privatisation ; on a même créé une Inspection Générale d’Etat dépendant du premier ministre dotée de larges prérogatives dans l’évaluation et le contrôle public des services publics et la coordination des diverses inspections générales des différents ministères en vue d’unifier l’action administrative. La création des comptes spéciaux du Trésor ou des Fonds particuliers, dans lesquels sont versés les produits de la privatisation est une autre manière de détourner l’attention et de se soustraire aux contrôles ; et par la même rendre complexe toute velléité de transparence.

En Algérie, le même phénomène de dégradation de la gouvernance s’est produit au cours de la même période. Pourtant le jeu de pouvoir n’a pas fonctionné sur les mêmes logiques. En Algérie la logique de partage du pouvoir a pris le dessus sur celle d’organiser des contre-pouvoirs et un vrai mépris à l’endroit des technocrates s’est installé. L’administration économique algérienne s’appauvrit de plus en plus de sa substance technique qui était considérée dans les années 70 et 80 parmi les meilleures technocraties de la Région.

Cet appauvrissement a été remplacé selon le pays par le retour en force des logiques féodales au Maroc et la logique du recrutement partisan dans les partis de la coalition au pouvoir en Algérie

Comme en Algérie, un peu plus tard, la privatisation des Télécoms (par l’attribution de la deuxième licence GSM) a été perçue comme un moment crucial dans les réformes économiques et institutionnelles au Maroc. Un discours du Roi a été consacré presque exclusivement à cet évènement. L’extrait suivant du discours (discours à la Nation du 8 juillet 1999) est édifiant sur l’importance accordée par le pouvoir à cette opération de libéralisation et de déréglementation et surtout l’insistance sur la capacité du régime et de son administration à mener une opération de cette complexité. (…) « j’ai, cher peuple, une très bonne nouvelle à t’annoncer : comme tu le sais, cher peuple, nous avons entrepris de privatiser les télécommunications dans le cadre de la deuxième licence GSM (….) Quelle fut grande notre surprise et immense notre joie lorsque nous avons constaté ……celui qui a remporté cette licence a fait une offre de plus de 1 Milliard de dollars. (….) car ce chiffre ne peut être atteint que par les Etats qui ont montré, par leur capacité à traiter leurs dossiers dans la transparence, avec honnêteté, technicité et un savoir faire, qu’ils sont au niveau des pays évolués. »

Cette opération d’octroi, dans le cadre de la concurrence, de la licence GSM a été suivie immédiatement par l’ouverture du capital de l’Opérateur historique, devenu Maroc Télécoms, à concurrence de 35 % du capital. Ces opérations ont été supervisées par une autorité de régulation ANRT, un instrument d’intervention de l’Etat inédit dans le paysage institutionnel marocain. Ce succès a enclenché, au Maroc, un débat sur les bienfaits de la transparence et de l’ouverture et par extension, la bonne gouvernance. Cependant l’effervescence suscitée par le nouveau concept de régulation transparente et efficace a été de courte durée et a immédiatement laissé place aux pratiques classiques d’interventions insidieuses des autorités politiques et administratives, comme la nomination des membres du collège de l’autorité de la régulation. Cependant l’ANRT(Autorité Nationale de Régulation des Télécommunications) a pu fonctionner correctement et a su sauvegarder son autonomie de l’interventionnisme des autres institutions ; comme pour d’autres réformes, celles qui ont la caution ou l’impulsion du Palais ont toujours réussi à passer l’écueil des luttes sur le partage du pouvoir et de l’influence. Ceci n’est pas spécifique au Maroc. En Algérie comme en Tunisie, les stratégies sont les mêmes. Autrement dit les régimes autoritaires sont nécessairement centralisés et plus on monte dans la hiérarchie, plus on a de l’influence et les facilités d’accès à la rente et aux autres avantages.
Hibou et Tozy (2002) notent, à juste tire, que « Le système économique et institutionnel marocain est caractérisé par la prégnance du modèle protectionniste et interventionniste, où les positions économiques se construisent à partir des positions de pouvoir ou du moins de la proximité avec celui-ci ; donc aussi par les résistances à la dérégulation, par la nature ambivalente d’un secteur privé sur-politisé et par sa faible internationalisation. ». Les problèmes de transparence et de responsabilisation sont, selon les situations ou occultés ou nuancés pour laisser place aux véritables enjeux de la privatisation en particulier et des réformes en général, qui sont la défense des positions actuelles ou l’élargissement de celles –ci face aux nouveaux acteurs qui s’introduisent à la faveur des réformes. Ainsi la transparence est revendiquée ou mise en valeur par l’une ou l’autre parties en compétition ou en opposition sur une question donnée des réformes. L’opacité est aussi une règle de la gestion des réformes ; chaque fois qu’un acteur des réformes est en position favorable par rapport aux adversaires organise l’opacité de la décision publique pour en tirer profit. Hibou et Tozy (2002) considèrent que « l’opacité est une caractéristique héritée, mais pour autant la transparence n’a pas fait l’objet d’un choix clair, en partie parce que le Makhzen n’en a ni les moyens humains, ni la culture. L’opacité ne semble pas vraiment voulue ; aujourd’hui, elle serait plutôt le reflet d’un manque de vision, d’une certaine réticence par rapport aux réformes, et de quelque naïveté. ».
La transparence, toute relative, qui a entouré les processus de libéralisation du secteur des télécoms et de l’ouverture du capital de Maroc Télécoms, a reçu un coup fatal au moment de la création d’un Fonds appelé « Fonds Hassan II » destiné à recevoir les produits de la vente de la 2ème licence GSM, ou plus exactement le surplus obtenu par rapport à l’estimation de la recette de la vente de la licence, c’est à dire la différence entre le prix attendu de la licence (400.Millions de $) et le prix obtenu effectivement (1,1 Mds de $) soit 700 Millions de $. Alors que les 400 Millions de $ ont été versés dans le budget de l’Etat comme recettes, les 700 Millions de $ sont soustraits de la logique des finances publiques de l’Etat. Ni l’opportunité ni la légalité de la création de ce fonds ne peuvent être contestées, mais le manque de transparence qui est habituellement liée à la gestion de ce genre de Fonds, qui ne sont soumis ni aux débats budgétaires lors de l’adoption des lois de finances ni au contrôle d’opportunité de son utilisation par les organes politiques ou administratifs de contrôle.

2. En Tunisie.

En Tunisie les réformes économiques et administratives ont été lancées en 1987, « pour parachever le procès de développement ».
La réforme s’appuie sur l’ouverture de l’économie tunisienne. La proximité du marché européen est présentée comme une opportunité pour les entreprises exportatrices et l’accueil des entreprises étrangères. La Tunisie est le premier Pays Méditerranéen à avoir signé l’accord d’Association avec l’UE, le 17 juillet 1995.
Les autorités tunisiennes ont réussi à créer une stabilité sociale et politique, très appréciée par les investisseurs étrangers. Par ailleurs une législation très favorable au secteur privé et une série de simplification de procédures administrative, une facilitation à l’accès au crédit et une formation des opérateurs économiques ont été adoptées. L’ingénierie des réformes a été mieux préparée et les alliances autour des réformes étaient plus fortes ; peut être que l’absence d’une rente substantielle et la position privilégiée de la technocratie autour du pouvoir politique a été un facteur décisif pour une conduite des réformes plus cohérente et mieux synchronisée.
La déréglementation des Télécoms en Tunisie a pris du retard et dans ce secteur le retournement de situation a été rapidement observé ; l’offre sur le marché de la deuxième licence GSM n’a pas eu un succès comme au Maroc et en Algérie ; en Tunisie on a du déclarer infructueux le premier appel d’offre international en raison de la faiblesse des offres financières reçues. Il serait intéressant de connaître aujourd’hui les raisons à ce demi échec dans les télécoms dans un pays pionnier dans la région en matière d’ouverture économique et de libéralisation. Contrairement aussi aux deux autres pays et à la tendance mondiale, la régulation du secteur des télécoms reste du ressort de l’administration de l’Etat. Il ne peut pas être permis de créer une autorité administrative jouissant d’une réelle autonomie et dotée de pouvoirs étendus en matière de régulation du secteur en dehors de la sphère administrative traditionnelle.

3. En Algérie.

Au plan de la privatisation, malgré plusieurs lois (1997,2001,2006) le résultat est médiocre. Quelques opérations d’ouverture du capital des entreprises publiques, tantôt majoritaire(sidérurgie, chimie) , tantôt minoritaire (cimenteries) ont été concrétisées, souvent dans l’opacité et au mépris même de la législation y afférente. Le mépris de l’administration des règles de transparence qu’elle a  elle-même arrêtées et l’opacité qui caractérise le processus de privatisation des entreprises de certains secteurs ont atteint leur summum à l’occasion de la concrétisation d’une privatisation partielle (66% du capital du groupe sidérrurgique SIDER) au profit du Groupe indien Mittal Steel (ISPAT) dans le cadre d’une convention d’investissement prévue par la loi.

 Le code des investissement dispose que lorsque l’investissement bénéficie des avantages du régime de la convention, cette dernière est publiée dans le journal officiel. L’administration, voulant respecter cette disposition au plan formel, a fait publier au JO l’annonce de la signature de la convention entre le gouvernement algérien et l’investisseur ISPAT mais aucunement le contenu de la convention. Par ce procédé génial et malsain, l’administration a porté atteinte aux principes de la transparence en cachant le contenu de l’accord convenu.

Comme pour le Maroc, le secteur des télécommunications a, à la surprise générale, réalisé une réforme réussie, même si le retard pris dans l’appel d’offre de vente de la deuxième licence GSM a fait perdre au Trésor public plus de 500.Millions de $ ; en effet si cette opération avait été effectuée deux années plus tôt, elle aurait rapporté entre 1,2 et 1,4 Mds $ (selon certaines estimations fiables) alors qu’en 2002 elle n’a rapporté aux enchères que 780.Millions de $. Hormis cet aspect du manque à gagner lié à l’évolution du marché, la réforme a été un succès aussi bien dans la conduite technqiue de l’opération, la transparence dans le traitement des différentes pahses et l’impact sur le développement du secteur et les retombées positivies pour le consommateur. Il est vrai que la situation a beaucoup évolué entre les premières années de la réforme et aujourd’hui (Belmihoub 2003), en particulier en ce qui concerne le rôle de l’ARPT dans l’organisation du marché et le réglement des diofférends entre les opérateurs.
Hormis le cas des télécoms où la réforme du secteur a été opérée par l’ouverture du marché à l’investissement privé et la mise en place d’une autorité de régulation (ARPT) jouissant d’une réelle autonomie de décision grâce à son statut défini par la loi 2000-03 de Août 2000, les privatisations piétinent et le coût des échecs est aujourd’hui colossal (le cas de l’échec de la privatisation des entreprises de transformation des céréales est révélateurs du gaspillage de ressources).

Malheureusement cet exemple des télécoms dans le domaine de la dérégulation des activités de réseaux, qui étaient sous le monopole, n’a pas été suivi par les autres secteurs et l’administration a récupéré à son profit l’essentiel des prérogatives de régulation en donnant un statut mineur aux nouvelles autorités de régulations dans ces secteurs. (cf. lois sur l’électricité et la distribution publique du gaz, sur les mines et sur les hydrocarbures).

Dans le secteur des télécoms où la réforme a été appréciée unanimement, comme un succès, le changement a été conduit par l’administration centrale avec une forte implication des principaux acteurs : cadres, syndicats. Ainsi les intérêts des différentes catégories ont été sauvegardés : maintien de l’emploi, proposition faite aux fonctionnaires des télécoms affectés à la nouvelle entreprise des télécoms (Algérie Télécoms, société de droit privé) soit de garder le statut de fonctionnaire, soit d’opter pour le statut de salarié de droit commun au sein de la nouvelle entreprise. La transformation du monopole a été introduite par l’ouverture du secteur à l’investissement privé plutôt que par la privatisation de l’opérateur public. Ainsi deux autres opérateurs privés ont acquis des licences dans le cadre d’une compétition internationale ouverte et aujourd’hui le secteur est réellement concurrentiel et dégage des résultats positifs aussi bien en termes de valeurs ajoutées, d’emploi et qualité et coûts des services aux clients. L’autorité de régulation (ARPT) mise en place dans le cadre de la réforme jouit d’une réelle autonomie et son rôle est bien apprécié par les opérateurs du secteur.

Mahiou et Bedrani (2004) notent, avec pertinence, que « sur le plan institutionnel et formel, l’Algérie dispose présentement d’un cadre offrant apparemment les conditions d’un fonctionnement normal du système politique et administratif ainsi que les voies et les moyens de réaliser ce que l’on caractérise comme étant une bonne gouvernance. » L’effort consenti dans la mise en œuvre des programmes de transition et d’adaptation de la législation exige un autre effort dans la mise à niveau des pratiques administratives et managériales et du système judiciaire ; autrement dit il s’agira de définir une stratégie alternative au statu quo. L’économie de marché a besoin, plus que les autres formes d’organisation économique, d’institutions efficaces, efficientes et compétitives.

Malheureusement le constat est que l’on n’a jamais cessé de financer le statu quo même dans les moments les plus difficiles de l’histoire économique et politique de ce pays. Ce qui est dangereux dans le maintien du statu quo, au-delà de son coût pour la collectivité nationale, c’est son impact sur les comportements des acteurs économiques et politiques. L’entretien du statu quo est assuré par le régime d’accumulation économique qui reste dominé par la rente qui rend myopes les décideurs et les empêchent de voir à long terme. Ce qui a comme conséquences une croissance des coûts de transaction dans l’économie et une faible production de la confiance, indispensable pour le développement de l’économie de marché.

Conclusion :

Le classement annuel des économies par une publication de de la Banque Mondiale, « Doing Business », donne pour les pays du Maghreb les résultats suivants dans les éditions 2007 et 2008 : (rang dans le classement de 178 économies)
• Algérie 125 (2007) 125 (2008)
• Maroc 121 (2007) 129 (2008)
• Tunisie 93 (2007) 88 (2008)

Au delà de ces aspects « techniques » dans l’évaluation des économies et surtout de leurs réformes qui ne mesurent, en fait, que les faces apparentes de la crise des systèmes de gouvernance, les causes profondes doivent être recherchées dans la nature de ces systèmes, leurs légitimités et les logiques de leur reproduction.

Il serait hasardeux et prétentieux de tirer des conclusions valables pour les trois pays ; toutefois, quelques grandes conclusions suffisamment transversales peuvent être proposées dans le cadre de cette contribution. Elles se rapporteraient aux causes profondes des dysfonctionnements et de la crise de la gouvernance dans les pays du Maghreb. Elles seraient aussi interprétées, à la fois, comme des causes et comme des conséquences de la mauvaise gouvernance.

La confiance dans l’Etat et ses institutions est une condition nécessaire mais non suffisante de la bonne gouvernance. Cette dernière favorise, en effet, la confiance dans l’Etat. Dans les pays du Maghreb, comme dans le reste du monde Arabe, « la prévalence des liens informels rend le recours à des incitations financières et la soumission aux règles juridiques illusoire ou accessoire tant que la possibilité de contourner ou détourner la règle existe. C’est en Algérie où la confiance dans les institutions est la plus faible, derrière la Tunisie et le Maroc. Cette situation de méfiance envers les institutions produit de nombreuses asymétries dans le système qui aggravent les coûts de transaction sans pour autant améliorer la qualité des relations et les sécurités transactionnelles... » (Ould Aoudia, 2006).

Des élites qui ont mené d’importantes réformes dites de première génération comme la restauration des équilibres Macro-économiques et la démonopolisation du commerce extérieur, ont par la suite organisé la résistance aux réformes de seconde génération qui intègre surtout la privatisation et la rationalisation de la gestion des affaires publiques. L’explication, du moins pour l’Algérie, est sans doute liée à la nature rentière du système qui fait que les élites, publiques et privées, occupent des niches rentières dans le système sur un mode clientéliste et pour qui les réformes présentent des risques plus élevés, pour eux, que les gains escomptés. La résistance devient alors une attitude tout à fait normale face à des institutions en crise de légitimité et de crédibilité et par conséquent indignes de confiance. Dans un système clientéliste, on est fidèle à des personnes et non à des institutions. La véritable réforme dans ce cas est celle du mode de contrôle de la rente.

Autonomie : l’économie de marché libérale est fondée sur des règles du jeu transparentes. Le fondement même de ces règles du jeu est la liberté d’action des acteurs ; ce qui suppose une autonomie à la fois de ces derniers et des institutions de régulation et de contrôle. L’exemple de la privatisation des entreprises publiques et la libéralisation des télécoms a montré que l’enjeu n’est ni dans la finalité ni dans la technique mais dans le contrôle du processus ex. ante et ex. post. Les institutions en charge de ces réformes subissaient de façon frontale les effets des luttes inter acteurs, chacun utilisait ses forces, ses alliances informelles et ses capacités de nuisance du moment. Le succès de l’opération de libéralisation des télécoms aussi bien en Algérie qu’au Maroc procède du fait que ce secteur était sous la pression des évolutions technologiques et sous la supervision des organisations internationales (Banque mondiale en particulier) ; la présence d’une rente substantielle a été pour quelque chose, en particulier l’implication totale et directe des autorités politiques (au Maroc c’est le Roi lui-même qui s’en est chargé). L’expérience des autorités de régulation dans la conduite des transformations dans ce secteur grâce à un statut qui leur conférait une autonomie (ARNT au Maroc et ARPT en Algérie) n’a pas été généralisée aux autres secteurs et autres institutions de régulation et de contrôle ; l’autoritarisme institutionnel classique est reconduit comme mode de gouvernance avec tout ce qu’il comporte comme anomie pour le fonctionnement du système : opacité, gaspillage, corruption. L’autonomie des acteurs n’est plus à l’ordre du jour dans les pays du Maghreb même dans une perspective d’économie libérale de marché.

En Algérie, on assiste depuis maintenant une décennie, au nom de la réforme libérale, à un retour des pratiques de la période de l’économie administrée : processus décisionnel exclusivement de haut vers le bas, actions évènementielles liées aux cérémonies du pouvoir, subordination totale des institutions publiques au pouvoir central et absolutisme du sommet de la pyramide institutionnelle . Au Maroc, comme l’ont souligné Hibou et Tozy (2002) « tout le monde s’accorde à vanter la prédilection de Mohamed VI pour les réformes, la modernisation, l’ouverture et le respect de l’Etat de droit, et sa volonté de séparation entre affaires publiques du pays et affaires privés de la famille royale ; alors qu’il apparaît aujourd’hui moins intéressé que son père à faire entrer dans les faits les réformes visant à désengager le Palais des affaires économiques et à assurer la transparence de celles-ci. »

L’autoritarisme : le paternalisme autoritaire s’appuie sur la redistribution de la rente et des privilèges pour organiser son emprise sur la société. La culture de gestion des élites Maghrébines tantôt clientéliste, tantôt rentière et souvent les deux à la fois, fait que la conception des réformes est souvent bonne, alors que leur mise en œuvre rencontre des obstacles ou des freins mis par ceux qui en apparence sont supposés être les promoteurs et les catalyseurs. Les allégeances, les alliances et les priorités peuvent changer à tout moment. L’autoritarisme crée ainsi sa propre limite dans la conduite du projet de réforme. Les régimes autoritaires considèrent que tous les acteurs de la scène politique, économique ou sociale sont « achetables » et par conséquent, ce qui importe, ce n’est pas comment organiser le débat au sein de la société sur les questions économiques, mais plutôt comment « payer » l’achat de ces acteurs : opérateurs économiques du secteur privé, technocratie du secteur public, syndicalistes etc. En fait ce qui compte, c’est comment réduire l’autonomie de ces acteurs par rapport au pouvoir central.

La faiblesse de la société civile : la faiblesse des sociétés civiles dans les pays du Maghreb complique davantage la démocratisation et par voie de conséquence l’émergence de la bonne gouvernance économique. Au Maroc la société civile est la mieux organisée du Maghreb ; ses associations (ONG) sont très présentes dans la société et fournissent des prestations de différentes natures ce qui leur donne une certaine légitimité. Cependant leur dépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds internationaux les rend parfois vulnérables. En Algérie, le dynamisme de la société civile, après les évènements de 1988 et surtout après l’ouverture institutionnelle amorcée par la constitution de 1989, a été essoufflée et sa récupération par les pratiques clientélistes et rentières du pouvoir a réduit considérablement son autonomie. En Tunisie, la société civile a toujours été caractérisée par sa docilité au pouvoir, à l’exception d’une période particulière qui a connu une confrontation entre l’Etat et l’UGTT ; pourtant cette dernière a une maturité dans l’organisation et une histoire riche en acquis sociaux.

Pour faire court, on peut dire que c’est le pouvoir qui est très fort et qui arrive à « organiser » ses partenaires dans le mouvement corporatiste pour contourner une éventuelle autonomisation de la société civile organisée.
L’autoritarisme des régimes maghrébins, certainement différencié, développe pratiquement les mêmes schémas de contrôle de la société : un contrôle sur les travailleurs par le syndicat, la rhétorique démocratique servie périodiquement pour entretenir l’illusion de la construction de la démocratie et les liens clientélistes comme instruments de la régulation de la haute fonction publique, l’intelligentsia et le secteur privé.

L’économique, au Maghreb, reste dominé par les logiques paternalistes et patrimonialistes qui assurent la reproduction du système dans sa globalité. Il continue donc à avoir une fonction instrumentale de légitimation plutôt qu’une fonction autonome de développement. Ainsi la gestion centralisée et autoritaire des ressources nationales et des conditions d’accès à celles-ci devient l’axe centrale de toutes les politiques économiques et sociales. Plus ces ressources nationales sont importantes, plus les appétits sont aiguisés ; les pouvoirs allouent les ressources selon des règles clientélistes pour une légitimation et un contrôle de la société et moins ces ressources sont abondantes et plus il sera difficile d’organiser le partage de la rareté, alors les pouvoirs en place lâchent du lest pour laisser au « marché » de jouer ce rôle, bien sûr au détriment des plus faibles ; ce qui explique la différence de degré de développement de l’économie de marché entre d’une part l’Algérie (importance des ressources rentières) et d’autre part la Tunisie et le Maroc.

Dans les deux cas nous avons à faire à des pouvoirs autoritaires dont la seule préoccupation est leur propre reproduction ; les politiques économiques se réduisent au problème du partage de la rente ou de la répartition de la rareté. Or les véritables politiques économiques, celles qui sont permanentes et instrumentales, sont les politiques de régulation. Celles –ci n’ont de sens qu’en économie de marché, avec des acteurs autonomes. L’économie de marché (marchés réellement concurrentiels) doit être vue comme un système de régulation économique aussi bien en situation d’abondance que de rareté des ressources. Là n’est pas une priorité pour les pays du Maghreb tant que la question du pouvoir n’est pas réglée et par ricochet le discours sur la gouvernance reste au mieux un mimétisme consistant à faire croire à la société qu’il y a une évolution des pratiques de gouvernement et au pire une idéologie d’asservissement des élites.

Bibliographie
Ouvrages
Ould Aoudia J, 2006. Croissance et Réformes dans les Pays Arabes Méditerranéens. Ed. AFD. Paris, 2006
Articles
Hibou B ; Tozy M, 2002. « De la friture sur la ligne des réformes : la libéralisation des télécommunications au Maroc »in Critique Internationale, n° 14-janvier 2002.

Mahiou A, 2004. « Unité et Diversité du Maghreb » in Questions internationales n° 10 Novembre Décembre 2004.

Hufty M, 1999. Publications de l’Institut Universitaire d’Etude du Développement Genève.

Jessop B, 1998. in Revue Internationale de sciences sociales n° 155 /mars 1998.UNESCO, Paris.
Contributions à un ouvrage
Belmihoub M.C, 2001. « La gouvernance du rôle de l’Etat dans le domaine économique et social : entre exigences et résistances » in «Quel Etat pour le 21ème Siècle ? » édition L’Harmattan Paris Gret (sous la direction de A. Sedjari)
Belmihoub M.C, 2003. « La modernisation de l’intervention de l’Etat face à la déréglementation : Nouvelles régulations et bonne gouvernance » in «Gouvernance et conduite de l’action publique au 21ème siècle » édition L’Harmattan Paris Gret.(sous la direction de A. Sedjari)
Documents divers
Mahiou A, Bedrani S, 2004. « Algérie : Problèmes institutionnels et de gouvernance », document présenté à la 11ème conférence annuelle de l’ERF, Beyrouth, 14-16 décembre 2004. Non publié.
Présidence de la République Algérienne, 2001. Rapport du Comité de Réforme des Structures et des Missions de l’Etat, Août 2001. Alger. (non publié)
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Interview du docteur Benbitour
in lesoirdalgerie.com

Quel est votre constat sur la situation actuelle de l’économie algérienne ?

L’Algérie est dans une situation financière très confortable, mais son économie s’est complètement effondrée. C’est paradoxal. Nous avons une économie incapable de produire des richesses en raison de sa forte dépendance vis à vis des hydrocarbures. L’Algérie dépend de l’étranger pour se nourrir. Le budget de l’État est financé à 70 % par les recettes pétrolières. L’économie nationale est dangereusement exposée aux fluctuations du prix du baril. Les budgets d’équipement sont financés à 100 % par les recettes provenant de la vente d’hydrocarbures. Durant les années 1970, les recettes provenant de la fiscalité locale permettaient de financer les dépenses courantes de l’État alors que les recettes pétrolières étaient réservées à l’épargne et à financer des investissements.

Malgré cette situation, le pouvoir continue de produire un discours triomphaliste en mettant en avant les réserves de change du pays qui s’élèvent à 150 milliards de dollars. Ces réserves ne profitent pas à l’économie nationale. Le gouvernement est en train de transformer des richesses naturelles non renouvelables en réserves de change susceptibles de s’évaporer à tout moment. Il puise le pétrole dans notre sous¬ sol, le vend et laisse l’argent à l’étranger, ce qui profite davantage aux étrangers qu’aux Algériens.


Le président Bouteflika a lancé en 2010 un nouveau plan de relance économique de 286 milliards de dollars, financé par l’argent du pétrole. Ce plan est il bon ou mauvais pour l’économie nationale ?

Le plan d’investissement de 286 milliards de dollars est financé entièrement par la fiscalité pétrolière. Si on prend un prix du baril à 70 dollars l’unité, cela signifie qu’il faudrait 4 milliards de barils pour financer ce plan. Ces quatre milliards de barils représentent la moitié de nos réserves de pétrole connues qui sont de huit milliards de barils. Nous allons employer tout cet argent pour construire des infrastructures et créer un environnement favorable à l’investissement. Ces projets vont certes faciliter les déplacements des populations, mais ne créeront pas de richesses pour le pays. Nous allons donc consommer la moitié de nos réserves pétrolières prouvées, sans produire de richesses. Cette politique participe à l’appauvrissement du pays. Ce plan d’investissement va appauvrir l’Algérie. Le développement ne peut être obtenu qu’avec l’implication du secteur privé, comme cela s’est produit en Corée du sud, en Malaisie et en Turquie. Le gouvernement fixe une feuille de route et le secteur privé l’applique. Sinon, il n’y aura pas de développement.


Le gouvernement affirme qu’il peut créer des centaines de milliers d’emplois par an. Qu’en pensez-vous ? Peut il le faire réellement ?

Trois ministres ont déclaré qu’ils vont créer 500 000 emplois dans le bâtiment, 1,5 million d’emplois dans l’agriculture et 750 000 emplois dans les travaux publics d’ici à 2014. En additionnant ces chiffres, on trouvera que l’Algérie pourra créer 180 000 emplois par an dans trois secteurs seulement. Un autre ministre dit que le taux de chômage est de 10 %. La population active en Algérie est de 10,8 millions de personnes. C'est à dire que le nombre de demandeurs d’emplois est de 1,8 million personnes. D’après les promesses des trois ministres quant à la création d’emplois, l’Algérie va devoir importer de la main d’œuvre à partir de l’année prochaine. L’économie nationale est dans une situation extrêmement dangereuse, mais les ministres continuent de tenir des discours triomphalistes.
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Crise économique mondiale : des leçons vite oubliées
Par le Dr. Abdelatif Rebah.  El Watan -Supplément économie Point de vue


«Comment se fait-il que personne ne l’ait prévue ?»

Cette question ingénue est posée par Sa Majesté la reine d’Angleterre, fin 2008,  lors d’une visite à la célèbre London School of Economics.

Elle vise, bien sûr, la crise financière qui a secoué l’ordre économique mondial en 2008. La réponse parviendra à Buckingham Palace six mois plus tard. «L’échec à prévoir la date, l’importance et la gravité de la crise et à endiguer celle-ci, bien qu’il y ait de nombreuses causes, écrit un groupe d’éminents économistes britanniques, étaient surtout un échec de l’imagination collective de nombreuses personnes brillantes, dans ce pays et à l’étranger, à comprendre les risques du système, dans son ensemble.»

Le propos laborieux, enveloppé certes dans une langue de bois, d’essence rare de surcroît, n’en  invite pas moins à  revoir les certitudes qui ont pavé la route à la crise.
Paul Krugman ne s’embarrassera pas, pour sa part,  de précautions de style pour le dire. Ces trente dernières années, affirme le Prix Nobel d’économie 2008, la macroéconomie avait au mieux été spectaculairement inutile, au pire carrément nuisible.

Les vents ont tourné, manifestement

En 2009, les USA, ennemis jurés de toute immixtion de l’Etat dans l’économie, surmontant leur aversion séculaire, découvrent soudainement les vertus de l’Etat providence. Des républicains purs et durs appellent à nationaliser des titans de la finance tombés en faillite. A la veille de céder à son successeur, le bureau ovale de la Maison-Blanche, George W. Bush junior, porte-drapeau arrogant et belliqueux de l’ultra-libéralisme, implore le Sénat américain de soutenir le Plan Paulson qui donne carte blanche au gouvernement américain pour sauver Wall Street, ce temple mondial du capitalisme, menacé d’effondrement. «A l’encontre de mon instinct naturel qui est de m’opposer à une intervention du gouvernement et de laisser les entreprises qui prennent les mauvaises décisions s’éteindre», s’était-il empressé d’ajouter. Lui emboîtant le pas, crise oblige, les gouvernements occidentaux volent au secours de l’économie de marché. La Grande-Bretagne, patrie de la City londonienne, nationalise, sans complexes, des banques en perdition, pendant qu’en Allemagne, la chancelière Angela Merkel adopte, certes à son corps défendant, un plan de relance et que se multiplient, dans le désordre, les interventions publiques dans les économies de l’Euroland.
Les détenteurs des instruments de politique économique en usent à leur guise. Sans états d’âme. Exit l’orthodoxie budgétaire, fiscale et monétaire. Le président de la Banque centrale européenne, le très vigilant gardien des critères de Maastricht, Jean Claude Trichet, n’exclut plus le recours à des «armes non conventionnelles», comprendre : la planche à billets. Autre vigile intraitable du dogme libéral, le FMI, par la voix de son chef Dominique Strauss-Kahn, appelle les gouvernements du monde entier à s’entendre sur une démarche commune pour la régulation des marchés par l’Etat. Ce virage à 180° en faveur du retour salvateur de l’Etat, orchestré, comme le relève l’ancien ministre des Affaires étrangères français, Hubert Védrine, par «ceux qui avaient tout fait pour le torpiller», reçoit la caution scientifique de trois Nobel de l’économie, Joseph Stieglitz (2001),  Paul Samuelson (1970), Paul Krugman (2008). Du coup, on redécouvre des économistes remisés au placard, pour cause de «péremption» comme Keynes ou son disciple Hyman Minsky. Et même Marx et Samir Amin redeviennent fréquentables ! «A présent, nous sommes tous des Keynésiens», proclame l’éditorialiste économique du Financial Times et du journal Le Monde, Martin Wolf, tandis que le chroniqueur de Newsweek, Jonathan Alter, renchérit, «nous sommes tous socialistes maintenant.» Non moins spectaculaire est, pour les pays en développement, la volte-face idéologique.

Planification à long terme, investissements publics, croissance et développement durables sont remis à l’honneur. Dans le rapport de la Commission «Croissance et Développement», publié le 22 mai 2008, vingt et un experts et non des moindres, parmi lesquels les Prix Nobel américains Michael Spence de l’Université de Stanford et Robert Solow du MIT, le patron de Citigroup, la première banque privée dans le monde, Robert Rubin, un ancien Premier ministre de Corée, ou Kamal Dervis, l’ancien administrateur du PNUD, remettent en cause le fameux « Consensus de Washington » qui a servi de bréviaire pour la mise en œuvre des politiques de stabilisation et d’ajustement structurel dans les pays en développement, le nôtre y compris. Des perspectives hier encore disqualifiées, délégitimées, assimilées à une hérésie, redeviennent envisageables. Un rapport de la CNUCED  dresse le constat de l’échec «spectaculaire » du règne de vingt années de «dogme du laissez-faire le marché» et  appelle à «fermer le grand casino». On se remet à parler de politiques de développement.

Elles se définissent d’abord au niveau national et l’Etat y a un rôle essentiel à jouer, insiste Dani Rodrik, Professeur à Harvard. Il n’y a pas une seule recette de développement, rappelle cet économiste américain. Seul le contexte institutionnel local permet de déterminer les politiques qui vont permettre, non seulement d’initier une dynamique de croissance – ce qui est relativement aisé - mais surtout de la maintenir dans le temps et de la rendre résistante aux crises, ce qui est plus difficile.  Ha-Joon Chang, de l’Université de Cambridge, soutient, quant à lui,  le renforcement des entreprises publiques, contre la privatisation, et la nécessité de protéger les industries naissantes. La vérité, souvent oubliée, comme le relevait déjà pertinemment le Rapport de l’ONUDI 1990/1991, est que «le développement économique est un processus à long terme qui n’a jamais été mené à bien en une seule génération». Après avoir encensé la dictature du court terme, la pensée managériale capitaliste en vient, depuis ses hauts lieux sacrés, à redécouvrir qu’«une perspective à long terme n’est pas une succession de décisions à court terme». Les écoles de management sont invitées à tirer les leçons de la crise.


En Algérie aussi

La menace d’une récession économique mondiale se précisait chaque jour davantage et ses répercussions en chaîne, prédisait-on, n’épargneront aucune économie. Chacune, selon son degré d’exposition. Celui de l’économie algérienne, lié à la conjoncture des prix du pétrole, notablement élevés, on le sait, la rendait  particulièrement vulnérable. Le risque d’une répétition des scénarios catastrophe de 1986 et 1994 est d’autant moins négligeable que la politique d’ouverture libérale a dangereusement affaibli les capacités de riposte du pays à une crise économique d’une telle intensité. En Algérie, également les gouvernants doivent tirer  les leçons de la crise. Le samedi 26 juillet 2008, devant les 1500 maires d’Algérie, le chef de l’Etat, lui-même, reconnaît qu’il faut «revoir notre stratégie et notre vision». Dans un article intitulé «Algérie : du modèle de développement», l’économiste Hocine Benissad, ministre de l’économie en 1991 sous le gouvernement de Sid Ahmed Ghozali, appelle à une refondation du système économique, du «capitalisme algérien».

Privatisations et IDE ne sont plus les «deux mamelles» du développement. Chassée par la porte, la question de la stratégie de développement national revient par la fenêtre. Elle retrouve une pertinence dans l’impasse même des réformes libérales. Tous les bilans, en effet,  en conviennent : 1985-2010, après vingt-cinq ans pratiquement de «stabilisation macroéconomique» et d’«ajustement structurel», la transition n’est pas achevée et la fameuse croissance hors hydrocarbures portée par sa propre dynamique, autrement dit,  porteuse de développement, reste un vœu pieu. Opéré il y a près d’un quart de siècle, le renversement de perspective censé installer l’économie algérienne sur la voie vertueuse  de l’économie de marché, celle de  l’efficacité et de la compétitivité,  aura conduit à l’impasse.

Que s’est-il passé ? Dans les faits,  le postulat de  l’économie de marché  qui considère que la pression vertueuse de la concurrence  pousse à l’affectation optimale des ressources, à innover, à rationaliser, à rechercher l’efficacité, le tout pour le plus grand bien du client, est loin, en effet,  de se vérifier.

La question se pose même «de savoir s’il existe en Algérie, un marché ayant les caractéristiques que lui prête l’idéologie libérale (mobilité des facteurs, transparence, atomicité) pour occuper la fonction régulatrice qu’on lui prête ». Loin s’en faut.

Les concepts n’ont pas résisté à l’usage. A la représentation idéale de l’économie de marché répond la réalité du court-termisme, de l’écrémage, de la fuite des capitaux, des usines «tournevis», l’explosion de l’informel et de l’import-import, avec le monopole des plus forts et  la médiocrité des activités productives créées.


Deux années avant même le terme du plan de relance 2005-2009, le président du patronat algérien, Réda Hamiani, évoquant «le bilan des réformes dans ce pays»  en dresse le constat  sans détour. Elles ont bien fonctionné pour la sphère commerciale, affirme-t-il,  par contre c’est une catastrophe aussi bien pour l’industrie, les classes sociales moyennes que pour la future élite. Le mode de gestion libéral, conclut-il, a profité à l’informel à travers les importations sauvages. Ces résultats éclairent sur les logiques à l’œuvre. Il ne s’agit pas de dérives caricaturales du modèle. C’est inscrit dans la nature même du système. La recherche du profit maximum est la loi du fonctionnement de l’économie de marché, son ressort et sa finalité.  C’est là que se trouve l’explication simple du comportement des investisseurs privés nationaux ou étrangers.
Un investissement ne se justifie que s’il rapporte de plus grands profits.Le travail salarié n’est acceptable que s’il génère du profit.

Pourquoi les excédents ne se traduisent-ils pas par de forts investissements dans des activités industrielles modernes ? Parce que les investissements en capital sont partiellement ou complètement irréversibles, les coûts non récupérables très élevés et les délais de récupération très longs.

Les dépenses d’investissement ne sont pas déterminées en fonction d’impératifs de développement économique et social, mais selon des considérations de marché solvable. Pourquoi investir dans l’industrie locale disqualifiée par l’évolution des technologies et par celle de la structure de la demande ? Pourquoi les investisseurs étrangers opteraient-ils pour le marché algérien dont la taille n’est pas attractive, alors que le libre-échange et la proximité géographique et linguistique font de ce marché  une chasse gardée des pays de l’UE, notamment méditerranéens ?

Le long terme ne les intéresse pas.  Pas plus que les profits à long terme. Il est vain d’attendre qu’ils s’en préoccupent moyennant des « conditions ou un climat des affaires attractifs ».

La question est  comment rendre compatible l’horizon borné du profit et la myopie du marché avec le temps long du développement.

C’est à  l’Etat que revient le rôle clé dans la maitrise et l’orientation stratégique de cette relation.

Or, cet Etat national en construction a été sommé, libéralisation oblige, de réduire son intervention dans l’économie au profit des «forces du marché». Absent en tant que pivot de la régulation nationale, il n’est plus que simple interface avec les forces du marché mondial.  On se plait, en effet, à répéter invariablement que la mondialisation est une réalité incontournable et que l’Algérie est «condamnée», sous peine d’éviction,  à  construire les avantages compétitifs de son insertion positive dans l’économie mondiale. 
Mais, celle-ci n’est pas, comme le prétend le mythe du gagnant-gagnant, le vaste marché où règne l’égalité des chances et où les opportunités dépendent des avantages compétitifs des acteurs. C’est d’abord une hiérarchie issue de rapports de forces forgés tout le long des siècles de l’industrialisation et de la colonisation. C’est, également, un immense pouvoir de marché concentré aux mains d’une poignée d’acteurs, les oligopoles, un marché peu concurrentiel. Des entreprises qui ont un pouvoir de marché mondial qui surpasse les compétences des régulateurs et les capacités financières de la plupart des Etats.

Aussi, loin de se réduire à une question de bonnes techniques d’ingénierie financière et de managers compétents capables d’opérer les bons choix avec les «données du marché», la construction des fondements de la compétitivité externe d’un pays  est une œuvre de longue haleine qui se concrétise par les investissements, le progrès industriel, l’élévation du niveau culturel, l’éducation et la formation professionnelle des hommes. Elle exige donc du temps et des moyens [19]. Comme le montre le spécialiste de l’économie publique, Christian Stoffaes, la performance économique d’une nation et donc l’acquisition d’un pouvoir de marché dépendent avant tout de «données structurelles profondes» qui se rapportent à :
- «la productivité du capital», fonction du volume de l’investissement productif accumulé, de l’âge des équipements et des techniques de production ;
- «la productivité du travail» qui est fonction du niveau de formation des hommes, de l’adaptation de leurs qualifications aux besoins de l’industrie, de l’organisation du travail dans les entreprises, de l’organisation des relations entre l’Etat, les entreprises les banques, le commerce ;
- «l’effet d’expérience» qui résulte des économies d’échelle dans la production et des avantages de recherche, publicité, transport, distribution ;
- «l’innovation qui procure une rente de monopole ;
- et la «qualité» qui repose sur le design, la fiabilité, la durabilité, la maintenance et le service après-vente.
Autant de conditions de fonds qui nous ramènent à la nécessaire et indispensable construction des structures d’accueil d’une stratégie de développement national dans le contexte de la mondialisation. Ses présupposés sont-ils réunis ? D’abord, une question préalable : la leçon du fiasco du libéralisme économique a-t-elle été retenue, a-t-elle convaincu ?

Le «logiciel» néo-libéral encore et toujours


Dans le monde, 2008 a sonné l’heure des comptes à régler avec 30 ans de règne du néo-libéralisme intronisé par Ronald Reagan et Margareth Thatcher.

Le discrédit du bréviaire néolibéral est alors à son paroxysme. Et pour cause, la finance capitaliste, affranchie de sa laisse, a fait basculer le monde dans une récession globale, la première depuis la seconde guerre mondiale. L’air du temps a visiblement changé. Mais la parenthèse va être de courte durée. Trois ans après l’éclatement de la crise «qui a fortement mis en lumière les écueils, limites et dangers ainsi que les responsabilités de la pensée économique dominante en matière économique, cette dernière continue à exercer un quasi-monopole sur le monde académique», s’alarme un groupe d’enseignants-chercheurs et professeurs d’économie européens. Le logiciel «néolibéral» est toujours le seul présenté comme légitime, malgré ses échecs patents, constatent des économistes issus d’horizons théoriques très différents «atterrés de voir que ces politiques sont toujours à l’ordre du jour et que leurs fondements théoriques ne sont pas publiquement remis en cause».

La crise économique et financière qui a ébranlé le monde en 2008 n’a pas affaibli la domination des schémas de pensée qui orientent les politiques économiques depuis trente ans. Pis, comme le relève le sociologue Edgar Morin, «l’Occident en crise s’exporte comme solution laquelle nous apporte à terme sa propre crise (Le Monde des 9 et 10 avril 2011). Une pensée managériale en panne d’idées, un système financier sinistré et une économie en   berne, un état de régression sociale prononcée, des Etats au bord de la banqueroute, bref un modèle disqualifié par l’ampleur de ses propres faillites, mais qu’on n’hésite pas  à nous servir quotidiennement comme référence obligée pour penser notre développement national. Le décalage est frappant entre les analyses économiques mondiales critiques et les réflexions dominantes dans nos médias. En Algérie, l’argumentaire économiste continue de puiser dans la vieille boite à idées libérales dont une masse d’économistes sérieux et renommés dans le monde ne veut plus entendre. Comme si l’Algérie était une ile isolée de ce monde dévasté par la crise économique et financière et n’était pas concernée par la vague planétaire de remise en cause des dogmes de l’économie libérale !

Réactualiser le Projet de développement national
 

L’impasse libérale commande justement de s’atteler à réactualiser la problématique du développement national pour pouvoir la replacer de nouveau et de manière crédible dans la perspective historique de l’Algérie, en retrouvant le fil conducteur de la réflexion qui a accompagné les décennies du développement tant il est vrai qu’il n’est point de bon vent pour celui qui a perdu son gouvernail.
«L’Algérie ne peut se permettre, en raison de sa croissance démographique et du niveau d’aspiration atteint par sa population, de retomber dans des schémas de développement économique dépendant, fondés sur des ressources minières ou humaines dévalorisées et inscrites dans la nouvelle division internationale du travail, d’ailleurs déjà en crise. Le chemin étroit à emprunter est celui de la consolidation de l’industrialisation, de la solution à la crise de la production agricole et du développement des infrastructures scientifiques et techniques pour faire face à l’une et à l’autre de ces obligations». C’est ce qu’écrivait l’économiste Abdellatif Benachenhou en juillet 1987, dans un article publié à l’occasion du 25e anniversaire de l’indépendance. Qui peut valablement soutenir que les termes de référence fondamentaux  de cette problématique ne sont plus d’actualité ?
La leçon de l’impasse libérale, au contraire,  en souligne plus que jamais auparavant la pertinence et l’urgence : réhabiliter la vision de long terme, les grands projets structurants et les outils stratégiques du développement.
Les tentatives actuelles de remodelage néocolonialiste de l’ordre économique mondial qui menacent notre région et notre pays montrent combien est indispensable la préservation de l’autonomie de décision nationale et son renforcement. Tel est l’impératif politique suprême, qui doit prendre appui sur un Etat protecteur des priorités productives et garant des règles sociales, environnementales  et d’aménagement du territoire, ainsi que sur une société pleinement et largement impliquée dans le projet national qui valorise l’emploi productif et qualifiant, le savoir, la libération des initiatives, la reconnaissance de l’autonomie des acteurs du développement économique et social (entrepreneurs, syndicats, tissu associatif,  des chercheurs, des inventeurs, le développement des PME…).            
Abdelatif Rebah.  Universitaire
* Abdelatif  Rebah a publié chez Casbah Editions :
« Sonatrach : une entreprise pas comme les autres »
et  « La minorité invisible » sur les femmes entrepreneures.
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Les nombreux travaux consacrés à l’analyse de l’expérience algérienne de développement ont tous souligné la médiocrité de ses résultats.
Samir Bellal. Maître de conférences, université de Guelma


Celle-ci s’explique fondamentalement par l’incapacité du pays à générer des compromis institutionnels en adéquation avec les nécessités de l’évolution de la situation économique et sociale, en particulier celles se rapportant au dépassement du caractère rentier du régime d’accumulation. C’est dire combien la définition d’un compromis social nouveau est un impératif immédiat dans l’évolution de l’économie algérienne.
La question du changement social est complexe, particulièrement dans sa dimension institutionnelle. Elle fait appel à des approches pluridisciplinaires et son analyse mobilise des concepts qui, très souvent, dépassent le cadre très réduit de l’analyse économique ou sociologique. Néanmoins, une approche en termes de régulation est à même de fournir une grille d’analyse pour le moins féconde. Appliquée au contexte spécifique de l’économie algérienne, une telle approche nous conduit à admettre que c’est le politique qui détermine le contenu et le rythme du changement institutionnel. Bien que largement admise dans le débat public, une telle hypothèse gagnerait cependant à être davantage étayée par l’examen des transformations récentes dont le pays a été le théâtre.

Le blocage

Avant d’aller loin, il ne nous semble pas inutile de revenir sur la signification à conférer à la notion de blocage institutionnel dans le contexte particulier de l’Algérie afin d’en déduire, en des termes nécessairement spécifiques et adaptés, la problématique. La formulation d’une telle problématique ne peut faire abstraction de ce qui fait la particularité du régime d’accumulation en vigueur depuis au moins quatre décennies : son caractère rentier.
La question à laquelle il convient à présent de répondre est de savoir pourquoi en Algérie, en dépit des effets conjugués et récurrents des chocs et contre-chocs pétroliers et des mutations profondes qui sont à l’œuvre dans son environnement externe, les compromis sociaux fondateurs du régime d’accumulation restent fondamentalement les mêmes, dans le sens où leurs configurations concrètes respectives ne sont toujours pas de nature à permettre l’émergence d’une dynamique productive indépendante de la rente ?  Pourquoi ces compromis ne laissent-ils pas place à une nouvelle configuration institutionnelle ? Pourquoi la transition institutionnelle, qui devrait en l’occurrence conduire à une sortie du régime rentier, semble-t-elle bloquée ?
Des questions qui précèdent, il s’en- suit que c’est, en fait, la question de l’avènement d’un nouveau régime d’accumulation qui demande à être posée, et ce, au travers de la recherche d’un compromis social global, assumé par des régulations institutionnelles partielles formant système, pouvant favoriser l’émergence d’un nouveau régime d’accumulation dont, il est vrai, on ne connaît pas a priori la forme et la nature exactes, mais dont on sait néanmoins qu’il doit reposer sur la réhabilitation et le développement des activités productives.

Tels nous semblent être les termes dans lesquels devrait être formulée la question du changement économique en Algérie. Le blocage institutionnel apparaît en l’occurrence comme l’obstacle principal à l’émergence d’un nouveau régime d’accumulation.

Le circuit de la rente
Cependant, si les analyses diverses qui se sont intéressées à la question du changement institutionnel dans les pays à régime rentier d’accumulation ont toutes souligné l’incapacité des régulations économiques partielles adaptées au régime rentier à répondre aux changements requis, elles relèvent aussi que, au-delà de la sphère politique qui, très souvent, n’est pas étrangère à ce blocage, c’est la dépendance de ces régulations institutionnelles par rapport au circuit de la rente qui interdit, ou rend difficile, la transformation du régime économique interne.
A défaut d’un volontarisme politique à même de rompre le cordon ombilical qui lie les régulations institutionnelles au circuit de la rente, l’évolution du régime économique dans le sens d’une réhabilitation des activités productives, simultanément à un épuisement progressif des incitations aux comportements de recherche de rentes, demeurera problématique.
Schématiquement, la dépendance des régulations économiques partielles par rapport au circuit de circulation de la rente se lit en particulier dans des configurations institutionnelles spécifiques : surévaluation, en termes réels, de la monnaie nationale ; prééminence d’un rapport salarial de type clientéliste, notamment dans le secteur public ; une répartition des dépenses publiques s’inscrivant davantage dans une logique «politique» de redistribution que dans une logique économique de soutien à l’accumulation, etc.

Cette configuration institutionnelle est à l’origine de l’instauration d’un système de captage des rentes. Est-ce à dire pour autant que l’économie de rent seeking est organiquement liée au régime rentier ? Répondre à la question par l’affirmative, c’est admettre que tout régime rentier secrète nécessairement les comportements de recherche de rente et qu’inversement, ce type de comportements n’apparaît que là où il y a un régime rentier. Cette hypothèse peut séduire. D’abord parce qu’elle implique, entre autres, que c’est le régime rentier lui-même qui engendrerait en dernière analyse les facteurs de sa propre crise.
Mais, en conférant à la crise du régime rentier un caractère endogène, cette hypothèse consacre, du même coup, le caractère fataliste de la malédiction du pétrole.
L’autre hypothèse, celle qui nous semble plus juste, est de voir dans la prédominance des comportements de captage de rente une excroissance du régime rentier, ce qui signifie que le phénomène peut se développer dans le cadre de tout autre régime d’accumulation en vigueur dans les pays à économie de marché, pour peu qu’il y ait par exemple limitation de la concurrence. Dans cette hypothèse, on rejoint l’idée que c’est le mode de régulation qui serait à l’origine de la prédominance de la logique rentière dans le comportement des acteurs et des agents économiques, cette logique pouvant contaminer à son tour le fonctionnement d’ensemble de l’économie et provoquer, à plus ou moins longue échéance, sa crise.

La régulation en question

En termes de modalités pratiques de transition institutionnelle, cette seconde hypothèse implique qu’il faut — et il suffit de, serions-nous tentés d’ajouter — réformer le contenu des régulations économiques partielles pour supprimer les sources de captation de rentes. Celles-ci étant faciles à localiser, le problème reviendrait à identifier les facteurs, souvent d’ordre extra économique, qui favoriseraient (ou bloqueraient) une telle transition.
Quant à l’autre hypothèse, elle suggère que c’est le mode de développement rentier dans son ensemble qui doit disparaître pour laisser place à un régime de croissance d’une autre nature.
La sortie du régime rentier est un processus long qui nécessite une politique économique volontariste, pas forcément populaire, mais dont la perspective temporelle est nécessairement le long terme.
Quantitativement, cette rupture peut être saisie à travers l’évolution d’un certain nombre d’indicateurs simples qui constitueraient les éléments d’un tableau de bord de la conduite d’une politique économique de rupture, indicateurs parmi lesquels on doit retrouver la contribution du secteur pourvoyeur de rente (hydrocarbures) dans  la formation de la richesse produite (PIB), sa part dans la structure des recettes fiscales de l’Etat (fiscalité pétrolière) et son apport dans les recettes d’exportation du pays.  

Remarquons par ailleurs que dans les pays qui ont réussi l’entreprise de sortie du sous-développement (Corée du Sud, Chine, Inde, Indonésie, Brésil…), la transition institutionnelle s’est toujours opérée selon le modèle basé sur la séquence économique «taylorisation primitive — fordisme périphérique — fordisme autonome». Dans un pays à régime rentier, la question n’est pas tant de savoir si, pour réussir, la transition institutionnelle doit emprunter le chemin qu’une telle séquence indique, mais plutôt de savoir si une telle transition est possible.
La «taylorisation primitive», désignant la phase initiale du processus, est en effet une formule qui désigne une configuration du rapport salarial des plus extrêmes, c’est-à-dire la plus favorable au capital et la plus contraignante pour le travail.
Dans cette perspective, il nous semble permis de penser que la disponibilité d’une rente externe est de nature à permettre, lorsque la configuration du rapport salarial correspond à celle que le complexe de machines requiert, une atténuation de l’intensité du taux d’exploitation du travail, ne serait-ce qu’à travers la prise en charge d’une partie du salaire indirect.
A l’évidence, la présence de la rente externe n’est, en principe, pas antinomique avec l’instauration d’un rapport salarial de type «taylorien». Elle peut même la favoriser sachant que dans le contexte de la configuration actuelle de la Division internationale du travail (DIT), il est de plus en plus exclu pour un pays pauvre et attardé, comme le nôtre, de déclencher le processus d’augmentation de la productivité (seul moyen de s’insérer activement dans la DIT) autrement que par un sursaut du taux d’exploitation du travail.

L’instauration d’une configuration «taylorienne» des rapports de travail, préalable incontournable à la réhabilitation du rapport salarial comme institution centrale de la régulation et, du même coup, à l’amorce de la rupture effective avec le régime rentier, relève, pour le moment, d’une possibilité purement théorique.
Dans les faits, nombreux sont les indices qui montrent le caractère invraisemblable, du moins dans l’immédiat, d’une telle évolution. Pour le moment, force est d’observer que la présence d’une rente d’origine externe et qui, plus est, est à la disposition exclusive de l’Etat, rend, pour des raisons qui relèvent davantage du politique que de l’économique, l’éventualité qu’une telle rupture survienne plus qu’incertaine.
En l’absence d’une implication forte du politique, et donc de l’Etat, il est improbable, ce qui peut paraître paradoxal, qu’un arrangement institutionnel favorable à l’accomplissement de la rupture avec le régime rentier soit trouvé.

Les possibilités de transition institutionnelle à même de permettre de dépasser le fondement rentier du régime d’accumulation dépendent donc davantage du contenu des stratégies à l’œuvre que du degré de libéralisation.
Sur ce point, nous observons que les réformes engagées jusqu’ici présentent une configuration qui semble davantage privilégier l’objectif d’assurer, sur le court terme, une certaine stabilité au régime économique en place.
Or, cette stabilisation, qui se résume en fait à une consolidation temporaire de la position financière extérieure du pays, ne semble pas de nature à permettre la prise en charge des problèmes économiques et sociaux qui se posent à l’échelle interne, dont les plus importants sont le chômage, la dépendance alimentaire et technologique, le déclin de l’industrie.
 
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La Martingale algérienne
A. Hadj Nacer


Connu pour sa discrétion depuis qu’il a quitté ses fonctions de gouverneur de la Banque d’Algérie, Abderrahmane Hadj-Nacer est récemment sorti de son silence en composant un premier essai : La Martingale algérienne publié aux éditions Barzakh.
Connu pour sa discrétion depuis qu’il a quitté ses fonctions de gouverneur de la Banque d’Algérie en 1992, Abderrahmane Hadj Nacer est récemment sorti de son silence. En composant un premier essai, l’un des plus jeunes à avoir été nommé au poste de banquier central, veut apporter sa contribution au débat, en ces temps marqués par des velléités de contestation et d’aspiration au changement. La Martingale algérienne, publié aux éditions Barzakh, est plus qu’une réflexion sur une crise. L’ouvrage de Hadj Nacer dépasse les postulats connus de tous à propos de la généralisation de la corruption et des comportements de recherche de la rente.
C’est une autocritique, une introspection de l’absurdité du fonctionnement d’un système. C’est aussi l’émanation de la volonté d’un homme qui «bascule, à 60 ans, dans un autre âge» et veut initier un débat avec les jeunes sur le changement. Un changement qui ne devra pas passer par la négation de ce qui a été fait jusque-là, sa philosophie de base étant de «ne rien effacer et d’apprendre des erreurs du passé».

C’est dans une approche khaldounienne que l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie outrepasse l’analyse économique pour un autre exercice : l’exposé anthropologique. «Chaque peuple a un génie qui lui est propre. On ne peut pas avancer lorsqu’on tourne le dos au génie d’un peuple», nous a-t-il confié en marge d’une séance de vente-dédicace, à Alger. Le défi est, pour lui, d’affermir une gouvernance assise sur un Etat fort et des institutions pérennes. Instaurer la citoyenneté ainsi que le contrat social en lieu et place de l’allégeance aux clans et à la rente. Un processus qui passe par une équation à quatre variables : pas de développement durable sans conscience de soi ; pas de gouvernance sans l’existence d’une élite nationale ; pas d’économie performante sans démocratie et pas d’avenir sans notre identité. L’expérience du M’zab, d’où est originaire la famille de l’auteur, et sa stabilité historique est d’ailleurs bien présente dans le propos selon lequel la destruction des organisations et structures sociales s’est traduite par une aliénation pure et simple des populations, laquelle engendre la haine et l’obscurantisme. C’est aussi un défi aux élites à se réconcilier avec soi-même. Des élites que le pouvoir a d’abord cooptées. Le pouvoir a également entrepris, sous le couvert du socialisme, une chasse aux élites économiques, lesquelles n’ont pas de conscience de classe ni de base sociale ; elles n’ont pas non plus d’alliés à l’extérieur et «il est frappant de voir à quel point les élites algériennes manquent de relais et de soutiens à l’étranger. Elles n’ont pratiquement ni réseaux ni carnets d’adresses».

M. Hadj Nacer pense que le développement économique est intimement lié à la démocratie et à la création de contre-pouvoirs pour bénéficier d’une critique constructive. Aussi, la gestion centralisée affaiblit l’Etat. Celui-ci s’est trouvé seul investisseur légitime et on n’a plus jamais séparé la gestion de l’entreprise de la gestion du politique. «Depuis les années 1990, on a affaibli l’Etat. Et l’affaiblissement de l’Etat se manifeste par un contrôle direct de l’économie. Or un pouvoir, quelle que soit sa force, ne peut pas tout contrôler», nous a confié l’ancien banquier. Il préconise dans ce sens la restauration d’un Etat fort, assis sur le triptyque institution, autorité et discipline, dans ses fonctions régaliennes. On a bien tenté de le faire, selon lui. Or, la rente pétrolière a de tout temps réduit à néant les tentatives de réformes et a renforcé les monopoles élargissant à chaque fois la gabegie et la corruption. Cela ne justifie pas pour autant, avertit l’ancien patron de la Banque centrale, de tomber dans les ruses du système selon lesquelles les malheurs de l’Algérie sont issus de la malédiction du pétrole et de la main de l’étranger, usant même à outrance de concepts analogues au patriotisme économique alors que les efforts de développement entrepris ont surtout profité aux entreprises étrangères.
Melissa Roumadi

Le fait est que tout processus d’arbitrage et de prise de décision a été délocalisé à l’étranger. Pour illustrer cet état de fait, M. Hadj Nacer précise que «pendant que Carlyle décide qu’Orascom sera le détenteur de la licence de téléphonie mobile, l’arbitrage se résume au partage du reliquat de la rente».

Tous ceux qui espéraient quelques révélations fracassantes de l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie resteront cependant sur leur faim en abordant le chapitre consacré à la gestion de la dette extérieure et son rééchelonnement. Un laïus a toutefois été dédié à Mouloud Hamrouche, qui voulait engager le rééchelonnement de la dette extérieure en mars 1991 «pour ne pas laisser ce fardeau à son successeur». Hadj Nacer, qui voulait garder «une distance critique», se laissera dire qu’«il est très rare de trouver face à soi quelqu’un qui a un comportement d’homme d’Etat
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Quatre raisons et trois propositions: Coup de tonnerre sur les bourses et les esprits : l’agence Standard & Poor’s menace de décoter les USA à cause de sa colossale dette.
Omar Aktouf. Professeur titulaire HEC Montréal

La planète finance revient au business as usual, faramineux bonus aux traders et profits en hausses, alors que les politiciens de tous bords ne savent plus que faire, répétant lamentablement les mêmes litanies de «reprises», de «relances»… prêtant l’oreille aux habituelles officines économiques totalement dépassées depuis la crise de 2008.

Quel que soit le continent (France en préparatifs électoraux et Canada en pleine campagne) on voit «droites» et «gauches» adopter des positions «centristes», les unes pour paraître plus «sociales», les autres pour donner des gages de «pragmatisme économique». Hélas, les dernières années montrent que rien ne fonctionne : les crises métastasent (Grèce, Espagne, Portugal…menace de décote des USA…) aucune «politique» ne semble en mesure de sortir notre monde du marasme installé depuis 2008. C’est tout simplement que l’économique néolibéral a atteint ses ultimes limites. Quatre raisons sont à l’origine de cette situation. La première est que tout l’édifice économique néoclassique devenu néolibéral, adopté depuis le milieu du XIXe siècle, est basé sur la prémisse insoutenable qu’il peut y avoir croissance infinie.
Nul n’est besoin de savantes démonstrations pour comprendre que dans le monde fini qu’est le nôtre, il ne saurait exister quoi que ce soit d’infini. Nul ne peut réaliser d’infinis profits sur l’exploitation de forêts infinies, ni de bancs de morues infinis. Notre planète ne donne rien de maximum ni d’infini. L’idée de «croissance permanente» ne se peut que si l’on accepte celle de destruction permanente : les «profits» impliquent désormais, globalement, moins de qualité de vie, d’emplois, de santé de la nature… et plus de spéculations financières donnant les résultats que l’on sait depuis 2008. La seconde cause réside dans le fait que la biologie nous enseigne que la nature «fonctionne» selon la loi incontournable des équilibres stationnaires et des boucles de rétroactions négatives.

Ainsi, si nous prenons un bosquet avec loups et lièvres, cette loi implique que les populations de ces deux espèces évoluent entre deux seuils : celui où les loups dépassent la capacité de reproduction des lièvres et celui où les lièvres permettent aux loups de se nourrir et se reproduire. Rien d’infini, rien de maximum. Il ne viendra à l’idée d’aucun loup de «lancer une entreprise» pour capturer le maximum de lièvres, sous hypothèse que leur croissance est constante ! Le premier loup venu comprendrait que ce serait là, à terme bref, la fin des loups eux-mêmes. La troisième cause touche aux lois de l’énergie. En effet, la thermodynamique montre (principe d’entropie) que nous ne faisons que dégrader l’énergie qui est, en termes utilisables, constante à l’échelle de l’univers. Nul ne saurait «fabriquer» du pétrole, du gaz naturel ou de la houille !
Nous ne pouvons que les utiliser. Toute autre forme d’énergie devient «liée» (non utilisable directement comme les énergies fossiles) nécessitant une autre  énergie avant d’être utile : panneaux pour l’énergie solaire, centrales nucléaires pour celle de l’atome… ce à quoi il faut ajouter l’énergie nécessaire pour contrôler les conséquences d’usage des énergies liées : déchets et accidents nucléaires, par exemple, avec leurs retombées inestimables sur la nature, l’air, l’eau, la santé... C’est la non-durabilité et la fuite en avant vers des sources d’énergie de plus en plus… énergivores et destructrices. Enfin la quatrième concerne la financiarisation de l’économie. La crise de 2008 a montré la différence entre économie réelle et économie virtuelle. On s’est mis à parler de «capitalisme financier» et ses «débordements». Il s’agit de l’inévitable transformation de pans entiers de l’économie réelle en économie de spéculation (croissance oblige).

Les profits continus-maximaux ne sont pratiquement que bricolages financiers et produits dérivés, de bulles en bulles, jusqu’aux subprimes en 2008.  «Economie-casino» qui ne peut durer sans «crises» plus dévastatrices. Les plans de sauvetage du système financier mondial n’ont été que réalimentation de l’insoutenable cercle vicieux : «Offre de crédit – emprunt-dette – consommation.» Pour y remédier trois propositions : D’abord au niveau mondial. Les multinationales (grandes employeuses) doivent payer des salaires décents dans le tiers monde. Comme l’a établi Keynes, «le meilleur salaire économique n’est pas le plus bas, mais celui qui fait vivre dignement le producteur». Ce salariat «large-global», sera la «demande effective» capable de soutenir les cycles de l’économie réelle, permettant épargne et consommation, contrairement à l’enrichissement infini des riches.
Ensuite au niveau macro et à l’instar des pays régulièrement classés plus compétitifs (Europe du Nord, Japon…) inscrire les politiques économiques dans les constitutions, comme la «cogestion» en Allemagne. Ce qui assure stabilité industrielle, productivité et collaboration entre acteurs économiques, incluant syndicats et Etat. Enfin au niveau méso-micro. Que les profits soient «raisonnables» et n’impliquent ni pollution, ni chômage, ni pauvreté… ni évasions fiscales; pratiquer un intéressement systématique des employés (unique source de valeur ajoutée et de qualité) aux résultats de l’entreprise avec formation-qualification permanente. C’est dire combien les gauches et droites sont dépassées, parce que les prémisses économiques sur lesquelles elles continuent de s’appuyer le sont : il n’y a pas plus de lois de marché autorégulé que de croissance infinie, voilà un premier pas à franchir pour aller vers des politiques plus intelligentes.
Omar Aktouf. Professeur titulaire HEC Montréal
http://www.elwatan.com/hebdo/histoire/quatre-raisons-et-trois-propositions-08-05-2011-123561_161.php
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Par le Dr Ahmed Benbitour, le 23 Août 2011

La Nation est en danger et le pays est à la dérive, sous l’effet de l’accumulation d’un certain nombre de maux qui s’autoalimentent mutuellement, rendant inévitables l’explosion sociale et l’installation de la violence comme seul moyen de règlement des conflits entre individus, entre groupes d’individus et entre groupes d’individus et le pouvoir. Après étude des expériences de l’Algérie, des pays d’Amérique latine, de l’Europe du Sud (Espagne, Portugal, Grèce), de l’Europe de l’Est et de l’Asie, nous pouvons retenir trois hypothèses de travail, fiables:



(I) Le régime algérien travaille à sa propre destruction ; mais avec la rente, le chemin de la dérive est lent. Du fait de la lenteur de ce processus, lorsque le système se détruit, il détruit avec lui toute la société par un mélange détonnant de pauvreté, de chômage chez les jeunes, de corruption et de perte de la morale collective. La perte de la morale collective, c’est une Algérie qui perd ses valeurs humanistes les plus précieuses, connaît un incivisme généralisé, intériorise la violence, la prédation et la corruption comme un mode de fonctionnement normal. La généralisation de la corruption à tous les secteurs d’activité, c’est un cheminement prévisible qui mène au gaspillage des ressources nationales, plus particulièrement, la fuite du capital humain vers l’étranger et l’exploitation irrationnelle des hydrocarbures. Ce cheminement a commencé avec la petite corruption au niveau des bureaucrates et des petits fonctionnaires. Ensuite, c’est la grande corruption qui se manifeste par des scandales financiers lors des passations de contrats de réalisation de projets d’infrastructures, de l’achat des équipements collectifs et de prêts bancaires. C’est alors l’entrée en jeu de hauts responsables et des «nouveaux riches». Ils voudront monnayer leur richesse mal acquise par le maintien du pouvoir entre leurs mains. L’accès au pouvoir, dans un tel système, est le moyen le plus efficace pour l’enrichissement aujourd’hui et demain. C’est alors l’accaparement de l’Etat. La pauvreté, c’est le manque d’opportunité pour utiliser sa force de travail et son savoir-faire pour s’assurer d’un revenu décent. C’est aussi le manque de capacité d’accès à l’école et à la santé. De même le manque de sécurité face à la violence, aux chocs économiques, aux désastres et aux calamités naturelles. C’est enfin, le manque de voix, le manque de pouvoir pour influencer les débats et les décisions ainsi que le contrôle et l’allocation des ressources.
(II) Le changement pacifique recherché ne peut venir de l’intérieur du système, ni des institutions officielles entièrement soumises au contrôle du pouvoir en place (Parlement, partis politiques de l’Alliance ou de l’opposition), ni de la société civile telle qu’elle a été organisée par le pouvoir (associations satellites transformées en relais durant les périodes électorales). Il ne viendra pas davantage via l’agenda gouvernemental actuel (élections, référendum, assemblée ad hoc…). Le changement ne vient de l’intérieur que dans des situations tout à fait exceptionnelles, où sont réunis trois facteurs : (i) une pression forte et croissante de la société et qui dure (ii) une alliance stratégique des forces du changement (iii) un événement déclencheur.
(III) La décennie 2010-2020 enregistrera la dérive de l’Etat algérien de sa situation actuelle de défaillance vers une nouvelle situation de déliquescence. Un Etat déliquescent est un Etat chaotique, ingouvernable. Face à une telle conviction, le choix est clair :
- ne rien faire et subir le changement avec tous les risques de dérapage, ou bien
- préparer ce changement dans le calme et la sérénité pour placer le pays dans la voie du progrès et de la prospérité. Nous avons choisi la solution de la mobilisation pacifique pour le changement.
Pour réussir le changement, il faut réunir trois facteurs :
- Une pression des citoyens forte, croissante et durable sur le pouvoir en place pour réclamer le changement du système de gouvernance et pas seulement le changement des dirigeants,
- Une alliance stratégique entre les forces du changement pour construire une capacité viable de propositions, de négociations et de mise en œuvre du changement,
- Un événement déclencheur. Les expériences tunisienne et égyptienne de ce début de l’année 2011 permettent de tirer un certain nombre de conclusions qui pourront dessiner les hypothèses fiables pour réunir ces facteurs. Il s’agit de quatre leçons qui définissent quatre hypothèses de travail.
1. Des citoyens réunis avec persévérance en un endroit stratégique de la ville, sans leaders, sans programme politique préétabli et face à des forces de répression importantes, sont capables de faire partir les symboles du régime et en premier lieu le chef de l’Etat. D’où la première hypothèse : quelle que soit l’ampleur des moyens mobilisés pour imposer l’autocratie, les citoyens sont capables d’amorcer le changement et faire partir les symboles du régime.
2. Les dirigeants actuels ne peuvent plus bénéficier du paradis de l’exil. Il y avait l’hypothèse que les dirigeants peuvent quitter le pays en cas de tensions intenables et aller profiter des avoirs qu’ils ont frauduleusement placés à l’étranger. Ceci n’est plus possible, ni pour eux, ni pour leur famille, ni pour leurs collaborateurs proches. De même qu’ils ne peuvent plus bénéficier des soutiens bienveillants des puissances internationales, qui ont fini par comprendre que leurs intérêts se situaient du côté du peuple et non du côté des autocrates. La peur s’est déplacée de chez les citoyens vers les autocrates. D’où la deuxième hypothèse : Les autocrates se trouvent aujourd’hui face à une pression multiple, de la société, de leurs familles, de leurs collaborateurs proches et des puissances internationales.
3. Les expériences tunisienne et égyptienne ont démontré que quelle que soit l’ampleur des gratifications des autocrates en direction des forces armées et des forces de l’ordre, celles-ci s’alignent en dernière instance sur leur peuple et non du côté des autocrates. D’où la troisième hypothèse : les forces armées et les forces de l’ordre se rallieront aux forces du changement immanquablement.
4. Les instruments des nouvelles technologies de l’informatique et des communications NTIC (Facebook, internet …) ont joué un rôle de premier plan dans la mobilisation des citoyens pour le changement et sont accessibles à notre jeunesse en tout temps et en tous lieux. D’où la quatrième hypothèse : les instruments virtuels NTIC sont accessibles à une grande majorité de notre jeunesse et sont un moyen très efficace de mobilisation pacifique pour le changement. Avec ces quatre hypothèses solides parce que construites à partir d’expériences vécues, à savoir la capacité des citoyens à changer le régime, les pressions multiformes exercées sur les tenants du pouvoir, la neutralité positive sinon encourageante des forces armées et des forces de l’ordre et l’accès facile aux instruments nouveaux de mobilisation, nous savons la voie à suivre pour réunir le premier facteur du changement : la pression de la société. Mais il faut bien noter que ces quatre hypothèses nous offrent les moyens d’amorcer le changement, mais pas ceux de le réaliser. Autrement dit, nous savons ce qu’il faut faire pour le départ des symboles du régime, notamment le chef de l’Etat, mais nous n’avons pas encore le mode de gestion du changement. Nous avons la condition nécessaire pour amorcer le changement, mais elle n’est pas suffisante pour le concrétiser. En réalité, une telle fin de règne est très coûteuse pour les autocrates et aléatoire pour le changement. Elle est très coûteuse pour les autocrates : Kadhafi a perdu ses fils dans la bataille, Abdallah Ali Nacer a subi des dommages corporels importants, Moubarak a été humilié par une apparition dans une cage, en face des juges. Tous les autocrates ont vu leurs avoirs, ceux des membres de leurs familles et ceux de leurs proches collaborateurs, saisis à l’étranger. Donc pour leurs propres intérêts et leur propre sauvegarde, ils n’ont aucun avantage à laisser faire et voir la situation sécuritaire leur échapper. Elle est aléatoire pour la réalisation du changement. Dès le début, les autorités en place, après le départ du chef de l’Etat, se trouvent devant un enjeu contradictoire :
- Aller rapidement vers des élections pour installer un gouvernement légitime capable de mettre en œuvre une stratégie du changement ; mais,
- Elles ont besoin de temps pour réaliser un accord avec des forces disparates sur les principes de base qui doivent définir le nouveau système politique. D’où le report des dates prévues pour les élections. C’était le cas aussi bien en Tunisie qu’en Égypte. Plus le temps passe, plus le nouveau gouvernement perd de sa légitimité, plus le danger de s’installer à nouveau dans l’autocratie commence à se répandre à travers la société. C’est alors, le retour à la rue avec des situations de plus en plus chaotiques ! En réalité, le désir des autorités des pays non encore engagés dans le changement de voir l’échec de la mise en place du changement en Tunisie et en Égypte. Mais il faut bien noter que ces difficultés ne sont pas inhérentes au processus du changement imposé par la société. C’est la faute des autocrates qui n’ont pas su aménager une voie de sortie, sécurisée pour eux-mêmes et favorable à la réussite du changement dans l’intérêt du pays. D’où l’importance de la construction du deuxième facteur, à savoir la création des conditions d’alliance entre les forces du changement pour définir une capacité de propositions, de négociations et de mise en œuvre.
La construction d’alliance s’impose comme une solution viable, parce que :

- Après vingt années de divisions idéologiques qui nous ont dressés politiquement, physiquement, moralement et intellectuellement les uns contre les autres, les blessures sont encore profondes et douloureuses au sein de notre société,
- L’incapacité de courants politiques continuellement divisés à proposer une alternative crédible risque de provoquer la lassitude et la démotivation d’une population fatiguée et désabusée.
- Les tentatives répétées de fractionnement, divisions et manipulations de la part de certaines franges du pouvoir, rendent impossible un travail d’union des forces du changement dans le court terme. Il faut, par conséquent, bien noter que, l’appel à l’alliance ne signifie ni fusion, ni union, mais la mise en commun des moyens de mobilisation pacifique pour le changement. C’est un appel à une coopération «gagnant-gagnant». Les associations et partis participant aux coordinations et alliances conservent leur autonomie. A l’issue de la période de transition, chaque partie sera libre de se lancer seul ou dans des alliances dans les futures compétitions électorales. Quant au troisième facteur, à savoir l’événement déclencheur, il est difficile d’en prévoir l’avènement avec précision. Les conditions de son apparition sont variées. En Indonésie, l’événement déclencheur est intervenu à la suite d’une grève massive des étudiants, à la suite de l’augmentation des prix des produits dérivés des hydrocarbures à la pompe et donc du coût du transport ! Les grèves ont commencé dans les universités à l’intérieur du pays ; puis les étudiants en grève ont convergé vers la capitale. Leur rassemblement par milliers à Jakarta pendant plusieurs jours a fait intervenir le commandement militaire qui a demandé au général Suharto de quitter ses fonctions, après 32 ans d’exercice de pouvoir autocrate. En Espagne, c’était la mort du dictateur Franco. En Tunisie, c’était l’immolation par le feu du jeune Bouazizi. En Égypte, c’était l’exemple tunisien qui a servi de déclencheur à la forte mobilisation. En Algérie, cela aurait pu être les émeutes du 5 Janvier 2011 ; mais les deux autres facteurs, surtout celui de l’alliance stratégique entre les forces du changement, n’étaient pas réunis. Face à ces facteurs du changement, le pouvoir s’appuie sur trois ingrédients :
- La démocratie de façade et la politique du faire semblant pour plaire aux puissances étrangères et tromper l’opinion internationale,
- Le pari sur la division des forces du changement et la faible mobilisation politique de la population,
- L’utilisation de la rente et de la prédation pour acheter la population par des concessions et des mesures démagogiques, en puisant dans les réserves d’hydrocarbures non renouvelables au détriment des générations futures. Mais il faut bien noter que l’autisme du pouvoir d’un côté et le mécontentement grandissant de la société de l’autre, nourrissent la double violence de la rue et des autorités, qui font que la situation peut devenir insoutenable à tout moment. D’où l’urgence et la nécessité de construire les alliances stratégiques entre les différentes forces du changement, afin de prévenir la dérive et le chaos. C’est l’objectif primordial de notre travail à la mobilisation pacifique pour le changement. Pour les autorités en place, le choix est clair :
- Laisser faire et vendre des réformes cosmétiques et alors, ils subiront ce qu’ont subi les dirigeants de Tunisie, d’Égypte, de Libye, de Syrie et du Yémen, en mettant le pays dans le chaos.
- Etre partie prenante de la préparation du changement en négociant avec les forces du changement une feuille de route et un agenda pour la mise en œuvre du changement du système de gouvernance. C’est la concrétisation d’une période de transition.
A. B.
Lettre-programme à tous ceux qui ont à cœur de sauver l’Algérie
La Nation est en danger. Le pays est à la dérive, sous l’effet de l’accumulation d’un certain nombre de maux qui s’autoalimentent mutuellement, rendant inévitables l’explosion sociale et l’installation de la violence comme seul moyen de règlement des conflits entre individus, entre groupes d’individus et entre groupes d’individus et le pouvoir. Attention ce que j’exprime n’est pas mon espoir, mais des prévisions avec beaucoup de fiabilité. Que confirment, d’ailleurs, les événements intervenus dans la région durant cette année 2011. Sans être exhaustif, les principaux maux dont souffre l’Algérie sont :
1- La perte de la morale collective.

Le changement signifie le lancement d’un programme ambitieux d’éducation citoyenne

3- La pauvreté.

Le changement signifie la mise en place d’une véritable politique sociale moderne

4-La pénurie prévisible des ressources naturelles non renouvelables que sont les hydrocarbures.

Le changement c’est une économie compétitive qui assure la protection des individus et un développement individuel et collectif harmonieux. Le programme de mise en œuvre de cette économie s’appuiera sur une politique rigoureuse et efficace de transformation du capital naturel non renouvelable (les hydrocarbures) en un capital humain générateur de flux de revenus stables et durables. Cette politique comprend notamment la réallocation d’une partie significative des investissements excessifs actuels dans les infrastructures vers des investissements ciblés dans le secteur productif de biens et de services, mais surtout des investissements de plusieurs milliards de dollars dans les ressources humaines (éducation, savoir, compétences…), afin de promouvoir une génération d’entrepreneurs possédant la capacité de leadership, la moralité, l’intelligence et le jugement, et de former des cadres gestionnaires à tous les niveaux dans les entreprises et l’administration. La relève des cadres dirigeants partant à la retraite doit être assurée en urgence par le biais d’ambitieux programmes de formation et de promotion de la relève, pour compenser la trêve remarquée pendant deux décennies dans la formation des cadres. Cette politique a été suivie avec succès dans les pays émergents qui ont connu cette phase de développement, la Chine notamment. C’est aussi, la constitutionnalisation de l’utilisation des réserves d’hydrocarbures. Je le répète aujourd’hui. Il faut bien considérer que chaque baril ponctionné sur les réserves non renouvelables est, au départ, une perte pour la Nation. Une fois qu’il sort du sous-sol, il ne fait plus partie du patrimoine des générations futures.

5- La dérive d’un Etat défaillant vers un Etat déliquescent.

Le changement, c’est la mise en place d’un système de gouvernance

6- L’isolement diplomatique dans un monde de plus en plus globalisé, d’une Algérie dépassée et marginalisée, en queue des classements internationaux dans tous les domaines. Le changement, c’est une nation sûre de ses atouts et capable de défendre ses intérêts bien exprimés, bien compris et bien intériorisés dans la course mondiale actuelle. Aujourd’hui, la puissance d’une nation se mesure par sa capacité d’innovation et la qualité de son système éducatif et de son système de formation de managers. A ce titre, l’on peut considérer que les expériences menées ces vingt dernières années par des nations comme la Chine, l’Inde ou le Brésil, véritables pays continents, dessinent des perspectives de développement dans d’autres parties du monde, à travers des groupements sous-régionaux tels que le Maghreb. Celui-ci, en raison de son appartenance à une culture et à une civilisation communes à l’ensemble des populations qui le composent, peut s’ouvrir globalement sur le monde en cultivant une relation homogène avec les autres pays, au sein d’une organisation adéquate que nous nous appliquons à mettre sur pied. Par ailleurs, notre orientation maghrébine- sahélienne nous offre des opportunités et nous impose des obligations.
7- Le risque de dislocation de la Nation et le partage du territoire. Des forces significatives appellent de plus en plus ouvertement à l’autonomie de certaines régions, voire le partage du territoire. Il faut s’en inquiéter sérieusement. La situation de non gouvernance actuelle conforte la forte probabilité de vivre en même temps la violence sociale et la violence terroriste. C’est alors la trappe de misère permanente et la porte ouverte à la dislocation de l’unité nationale et le danger sur l’unité du territoire. Dans le cas de l’Algérie, et dans l’état actuel des choses, cela interviendra avec la baisse sensible des capacités d’exportations d’hydrocarbures que je situe entre 2018 et 2020. Mais avec le mélange détonnant de pauvreté, de chômage chez les jeunes, de corruption généralisée et de perte de la morale collective, elle peut intervenir à n’importe quel moment. Le changement, c’est la mise en place d’une période de transition pour la sauvegarde de la Nation et la préservation des intérêts des générations futures. Ce sont là, les sept programmes d’urgence sur lesquels doit se construire le changement. De même que les trois dossiers fondamentaux : la refondation de l’école, la refondation de l’Etat, la refondation de l’économie. Si le changement de tout le système de gouvernance est sollicité par la grande majorité des forces vives, comment le réaliser ? Avec l’expérience tunisienne et égyptienne, nous avons le mode opératoire du départ des symboles du pouvoir, notamment le chef d’Etat. Il s’agit de quatre leçons qui définissent quatre hypothèses de travail solides parce que construites à partir d’expériences vécues, à savoir la capacité des citoyens à changer le régime, les pressions multiformes exercées sur les tenants du pouvoir, la neutralité positive sinon encourageante des forces armées et des forces de l’ordre et l’accès facile aux instruments nouveaux de mobilisation, nous savons la voie à suivre pour assurer le départ des symboles du pouvoir. Nous avons le mode opératoire pour faire partir les premiers responsables du régime actuel. C’est certes, une condition nécessaire, mais elle est loin d’être suffisante pour réaliser le changement. Alors, une fois le départ des chefs réussi, comment faire pour réaliser le changement ? En réalité, le changement se fera en deux étapes : celle du départ des symboles du pouvoir en place qui se réalise dans la mobilisation des masses et particulièrement la jeunesse, celle de la réalisation du changement qui nécessite la mobilisation des compétences nationales en symbiose avec les forces de la première phase. Dans cette deuxième étape, la réussite du changement passe par la mise en place d’une période de transition et de sauvegarde selon le programme suivant.
1- Organiser une Conférence Nationale pour le Changement composée des éléments du pouvoir capables de saisir l’opportunité de leur propre sauvegarde et celle du pays d’un côté et des personnalités ayant une présence de caution au sein de la société et disposant d’une respectabilité de l’autre pour le choix d’un Haut Conseil de l’Endiguement de la Crise (HCEC), composé de 5 à 6 personnes, avec pour mission en trois mois :
- Elaborer une feuille de route pour l’endiguement de la crise et la préparation du changement du système de gouvernance.
- Lancer un grand programme de communication pour expliquer la mission du HCEC avec l’ouverture d’un débat à toutes les composantes de la société. Ce programme de communication n’aura de crédibilité que s’il est précédé de la levée effective et non cosmétique de l’état d’urgence, l’autorisation de création de partis politiques nouveaux pour l’implication de la jeunesse dans le travail politique et l’ouverture du champ médiatique avec la possibilité de création de nouvelles chaînes de télévision et de radios en dehors du contrôle du pouvoir.
- Sélectionner et préparer à la nomination les membres d’un Gouvernement pour l’Endiguement de la Crise (GEC) qui aura pour mission, la mise en œuvre des feuilles de route établies par le HCEC et la préparation du changement sur une période de 12 mois. A la fin de la période de trois mois, interviendra la nomination du gouvernement GEC avec des missions rigoureusement consignées dans des feuilles de route pour chaque secteur et bien entendu, les sept programmes ainsi que les trois grands dossiers déjà présentés plus haut. Il aura à préparer pour la fin de la période de sa mission, un référendum sur la Constitution, des élections présidentielles anticipées et des élections législatives. Les membres du HCEC auront pour mission durant ces douze mois, la mise en place d’un système de contrôle de la réalisation des missions confiées au gouvernement GEC. De même la continuation des débats et des consultations avec toutes les catégories de la population pour la rédaction d’un projet de révision de la Constitution qui sera soumis à référendum à la fin de la période des douze mois.
Aux tenants du pouvoir, il faut dire :
- Le train du changement est en marche ; le freiner ou le retarder ne fera qu’aggraver la situation et en premier lieu votre propre salut.
- Le choix est évident : anticiper la catastrophe ou la subir.
- La rente est un moyen de se maintenir au pouvoir qui deviendra bientôt l’accélérateur de sa destruction.
- Vous devez reconsidérer tout le problème du changement à la lumière des derniers événements dans la région et ainsi préparer une sortie honorable.
- Depuis le début 2011, bien des choses ont changé et le monde est de plus en plus en éveil ; la peur est passée du côté des citoyens vers celui des autocrates.
- Les réformes qui n’ont pas été réalisées en douze ans d’exercice du pouvoir le seront-elles en quelques mois ?
- Mais quel est l’homme d’Etat au pouvoir qui est capable de faire entendre raison aux autocrates et leur faire comprendre et accepter la nécessité du changement ?
Aux forces du changement, il faut dire :
- Bien que convaincus de l’inéluctabilité du changement, les tenants du pouvoir ne veulent pas, n’osent pas ou n’ont pas la force morale pour affronter les intérêts puissants qui s’accommodent du statu quo, derrière les rideaux.
- Entre un pouvoir autiste et fermé à toutes les revendications et des forces vives de la Nation décidées à défendre leurs droits à la liberté, le choc est inévitable.
- Le pouvoir s’imagine que par la dilapidation des ressources financières, la corruption et une répression mieux organisée, il peut s’assurer des allégeances et acheter la paix sociale.
- Il est fort probable que si les autocrates ne se ressaisissent pas à temps pour prendre les devants et rechercher avec les forces du changement, des compromis honnêtes et sérieux que nécessitent les circonstances et que commandent les intérêts partagés, la jeunesse maltraitée, humiliée, menacée de perdre son âme, embrase tout le pays, à l’image des incidents du début de cette année 2011.
- Les autocrates semblent vouloir vendre l’idée que l’Algérie est différente des autres pays de la région et que ces revendications répétées ne sont que des remous passagers. Alors en gagnant du temps, ils pourront conserver toutes leurs positions. C’est le sens qu’il faut donner au dernier discours du président de la République.
- Hier la lutte pour l’indépendance s’est appuyée sur le nationalisme au niveau local et sur la décolonisation au niveau international. Aujourd’hui, la lutte pour la libération de l’individu s’appuie sur la citoyenneté au niveau local et sur les droits universels à la liberté et à l’émancipation au niveau international. Les temps, les espaces, les environnements sont différents mais les processus sont les mêmes. Hier, c’était la lutte armée pour chasser l’occupant sourd à toute idée de négociation ; aujourd’hui, c’est le combat citoyen pour changer le système autocrate, répressif, sourd à toute idée de dialogue, par une mobilisation pacifique qui s’exprime dans les marches, les rassemblements, les manifestations et les grèves.
J’appelle tous ceux qui ont à cœur de sauver l’Algérie, quels que soient la position et le lieu où ils se trouvent, quelle que soit l’institution à laquelle ils appartiennent, à se mobiliser, réunir leurs forces pour la réalisation des objectifs tracés dans cette lettre programme dans les plus brefs délais. Nous sommes déterminés à aller dans cette direction, d’autant plus courageusement que le peuple ne croit plus en la sincérité des systèmes de pouvoirs actuels et réaffirme sa conviction que l’heure des réformes de façade est largement dépassée. Plus que jamais, le peuple exige le changement et veut éradiquer les stigmates des malheurs qu’il a endurés. De fait, tout est déjà en place pour assurer la fin de partie pour les gouvernants reniés par leurs peuples. La suite des événements pourra alors s’envisager dans un esprit nouveau, d’ouverture, de justice et de sagesse. Une transition sera instaurée, comme diverses personnalités n’ont pas manqué d’y faire référence. L’heure est certainement grave. Cependant le peuple algérien, comme il l’a déjà démontré, saura y faire face. Il saura surmonter toutes les épreuves et vivre sa modernité dans la sérénité et la liberté ! «Et qui atteints par l’injustice, ripostent.» Coran 39-42.
A. B
dans lequel les citoyens puissent s’exprimer et sanctionner, c'est-à-dire où les citoyens ont les moyens d’exiger des comptes de la part de leurs gouvernants et d’en recevoir effectivement. L’année 2011 verra, je l’espère, tous les citoyens algériens prendre conscience que notre salut en tant qu’Etat et nation ne peut venir que d’un système démocratique et d’une forte participation citoyenne aux prises de décision, à tous les niveaux.
à même de mobiliser tous les citoyens autour d’une approche axée sur la lutte contre la pauvreté, la préservation de l’environnement et la justice sociale. Cette politique sociale n’est pas la charité. Elle consiste en une stratégie globale contre la marginalisation en encourageant la participation des pauvres à l’essor économique. Elle passe par un investissement massif dans la santé, l’éducation, les autres services sociaux, afin de libérer le gisement de créativité et de participation économique de nos concitoyens complètement marginalisés aujourd’hui.
pour passer à une société qui repose sur des lois et des règles saines, où les individus se font confiance lorsqu’ils interagissent, où la bonne éducation et le travail sont des atouts de la réussite sociale et individuelle, où la justice prévaut et où la malhonnêteté, le vice et la brutalité sont proscrits comme mode de progression dans la sphère publique et dénoncées et combattues dans la sphère privée.
2-La généralisation de la corruption à tous les secteurs d’activité.
Le changement signifie l’installation d’un nouveau système de transparence
dans la gestion des affaires publiques. Le système sera mis en place graduellement avec le souci maximum de pédagogie pour permettre à tous de s’y adapter progressivement et à s’y conformer au-delà d’une période de grâce suffisante. Ce n’est qu’après la période de grâce, clairement affichée, que des institutions performantes et non des individus, quel que soit leur niveau dans la hiérarchie de la nouvelle gouvernance, mettront un terme aux défaillances de ceux qui refusent de se conformer aux nouvelles règles de transparence dans la gestion des affaires. La garantie du traitement équitable sera assurée pour tous, dans le seul respect de la loi.
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2011/08/23/article.php?sid=121911&cid=41
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Quels intérêts stratégiques défendent les pays occidentaux dans les pays arabo-musulmans ?
Dr. M. Goumiri


Les pays occidentaux ont-ils intérêt à voir la démocratie se développer dans les pays en développement en général, et les pays arabo-musulmans en particulier ?
Cette question mérite un détour, me semble-t-il, lorsqu’on analyse les réactions de ces derniers à l’occasion des mouvements populaires survenus dans cette aire géopolitique ces derniers mois, et qui se propagent comme une onde choc dans le reste du monde (Afrique, Asie). Les USA et l’UE (en particulier la France et le Royaume-Uni, de par leur passé colonial dans la région), n’ont eu de cesse de répéter pour qui sait lire leurs messages codés, qu’ils défendent «leurs intérêts, biens compris, dans nos pays respectifs» ! Il est coutumier d’entendre les politiques dire que «ce qui est bon pour Ford, Lockheed, GM, Coca-cola, Boeing… est bon pour les USA» ! De même que ce qui est «bon pour Peugeot, Dassault, Aréva, Borolé… est bon pour la France». L’argumentaire est imparable : ces multinationales créent de l’emploi et payent des impôts ! Est-ce aussi évident que cela en termes d’emplois à l’heure des délocalisations généralisées ? La domiciliation des bénéfices réalisés dans des paradis fiscaux pour gonfler les dividendes et les super bonus n’est-elle pas de l’évasion fiscale pour les budgets des Etats ? De quelles contreparties ont bénéficié ces multinationales pour investir localement et ont-elles honoré, à terme, leurs engagements ? Y a-t-il une frontière claire entre les intérêts des pays respectifs et les intérêts individuels des propriétaires du capital ?

En d’autres termes, les intérêts individuels et ceux collectifs sont-ils toujours compatibles et en cas de relations conflictuelles aux profits de qui se règlent-elles ? Le constat actuel est évident, puisqu’il nous indique que les contrats juteux et à court terme au profit de petites minorités des deux pays cocontractants sont toujours privilégiés par rapport à des politiques de co-développement, à moyen et long termes, au profit des populations les plus larges de ces mêmes pays.
A l’évidence, il est plus facile pour les pays occidentaux de négocier des contrats mirobolants avec des dictatures qu’avec des démocraties... Tout le monde en convient aisément, d’autant plus qu’il y a, à la clé, dans beaucoup de cas, des possibilités de commissions et de rétrocommissions(1) ! En effet, la nébuleuse corruption ne peut se comprendre et s’analyser que dans la mesure où elle est approchée par le conduit du couple indissociable que forment le corrompu et le corrupteur, les deux faces d’une même médaille.(2) Comment se fait-il que les pays occidentaux n’en parlent, en général, qu’après l’éviction du dictateur par la vindicte populaire (avec son lot de cadavres et de destructions matérielles) ? N’ont-ils aucune responsabilité dans sa prise de pouvoir et sa consolidation ? Les acteurs politiques, en Occident, ont-ils peur que ce même dictateur(3) ne les incrimine à son tour, en révélant certaines activités condamnées par la morale universelle ? Comment concilier intérêt et éthique ? Les donneurs de leçons sont-ils indemnes de tous soupçons ? Plusieurs Etats (les monarchies du Golfe(4), le Maroc(5), la Tunisie, l’Egypte) font l’objet, depuis plusieurs années, d’un traitement «privilégié» et d’un silence assourdissant et complice quant à l’exercice du pouvoir et leur comportement vis-à-vis du registre des droits fondamentaux de leur propre  population. Cet autisme d’Etat non assumé a entraîné une cécité politique totale, lorsque la récente «intifadha» a renversé les régimes de deux pays de la région et d’autres suivront très nécessairement.

Des pièces maîtresses des dispositifs stratégiques de contrôle de cette aire géopolitique se sont écroulées comme un château de cartes, alors que réputées capables de résister aux secousses sociopolitiques les plus fortes. Leurs concepteurs, tétanisés, se sont contentés de rattraper le mouvement et de l’accompagner de manière à minimiser leurs pertes et à sauver leurs intérêts qui restent encore possibles de sauver, de manière à ce que la refondation de cette aire sociopolitique et économique ne se fasse pas sans eux, pour toujours protéger leurs intérêts stratégiques.          
En effet, les problèmes d’éthique et de moralisation des actes publics des Etats, mondialisation oblige, doivent s’inscrire dans un processus de respect de la dignité humaine et s’enregistrer dans l’universalité des droits de l’homme.
A cet endroit, entre en ligne de compte le concept anglo-saxon de la «real politic» qui consiste à sacrifier la morale sur l’autel des intérêts, ou, lorsque trop lourd à porter, de surfer sur les deux concepts antagoniques à la fois, en ayant une excellente police d’assurance en cas de chute.

Les relations internationales ont enregistré une transformation majeure après les attentats des Twin Towers de New York et la lutte anti-terroriste mondiale est devenue une référence structurante qui détermine les liens qui se tissent entre les Etats. Dès lors, les pays occidentaux, derrières les USA(6), ont considéré que toute politique qui permet d’éradiquer ou de contenir la poussée de l’islamisme politique et de son corollaire radical, le terrorisme, est bonne à prendre, quelle que soit la nature du pouvoir en place. Cette erreur stratégique fatale va entraîner l’émergence des dictatures les plus féroces (contre leurs propres ressortissants) dans la plupart des pays arabo-musulmans (et ailleurs), soutenues et confortées par tous les pays occidentaux(7) à l’unisson. Un troc mondial d’Etat va se construire entre, d’une part, la lutte antiterroriste, le confinement des flux migratoires et la signature de contrats douteux et, d’autre part, l’implantation de dictatures locales complètement verrouillées politiquement.

La fuite des forces vives de ces nations est alors organisée en vue de la récupération des compétences et des cadres susceptibles de servir les intérêts des pays étrangers ou d’adoption (les binationaux), vidant sournoisement nos pays de ses élites qui vont se mettre entre parenthèses (exil intérieur et extérieur). L’autre force vive des nations, leur jeunesse, va s’exporter elle-même, désespérée (au péril de sa vie), à travers des ramifications plus ou moins organisées par les pays de départ et de destination, ce qui constitue des «soupapes de sécurité» en matière de flux migratoires. Dès lors, le binôme terrorisme-dictature va se mouvoir en dehors de la société, qui, elle, va tenter de se protéger contre ces deux régressions sociétales qui s’affrontent pour que chacune tente de prendre la place de l’autre. Ce face-à-face sera d’autant plus sanglant que le pays dispose de richesses, c’est le cas de l’Algérie,(8) ou contrôlé si l’aire géopolitique régionale ou internationale est stratégique (cas de l’Egypte).

Cette vision binaire (dictature ou terrorisme) ne laisse aucun espace pour que la société organisée puise et trouve en elle-même les ressorts sociétaux qui puissent la sortir de ce choix manichéen(9). Accusée tantôt de faire le lit de l’un ou de l’autre des choix imposés, la société va rejeter ces deux propositions, après les avoir testées(10), par l’organisation de la résistance passive, conçue comme une défiance totale de toutes propositions formulées par ces deux appareils antagoniques. Ce sont les sociétés (autrement dit la majorité silencieuse) de cette région que l’on ne voulait pas voir et auxquelles on a dénié le droit d’exister, en dehors des systèmes dictatoriaux, qui ont pris leurs responsabilités historiques et qui se sont mobilisées dans des mouvements populaires(11), autour d’un slogan
unique : «la dignité humaine» ! Dès lors, un certain désarroi est affiché par des pays occidentaux vis-à-vis de ce tsunami  contestataire en Tunisie, en Egypte, au Yémen, en Libye, à Bahreïn… suivi en Algérie et au Maroc(12) pour l’instant. Il est alimenté par leur incapacité d’anticipation et la nature même de la revendication sociale initiée par les contestataires. La soudaineté des émeutes est factice, dans la mesure où ils ont refusé de voir la réalité criante duelle qui caractérisait les pays de la région durant de longues décennies(13).Une misère extrême dans l’arrière-pays qui cohabite à la frontière d’un «espace doré et hyper sécurisé» réservé au tourisme étranger et à la nomenklatura locale, industrie que l’on exhibe comme exemple de réussite (au Maroc, en Tunisie, en Egypte) et comme modèle à suivre pour les autres pays.

L’émergence «à marche forcée» d’une classe sociale arrogante, ostentatoire et acculturée de nouveaux riches qui ne peuvent justifier leur richesse que par leur proximité mafieuse vis-à-vis du pouvoir, jouxtant avec une masse de miséreux et de laissés-pour-compte, abreuvés de promesses non tenues, va créer les premières fractures sociales et un sentiment de rejet du système (le nidam) sous toutes ses formes respectives dans chaque pays.
Cette masse de jeunes personnes, avec ou sans éducation et formation, va se poser la question de son devenir et de sa place dans la société, autrement que par le volet économique. N’ayant pour seul choix que l’aliénation sous la forme de la harga, du terrorisme, du banditisme, de la drogue et autres trafics, cette population refuse le sort qui lui est réservé et ne peut que se diriger vers un mouvement d’émeutes généralisées lorsque la masse critique est atteinte pour chaque pays respectif. Les réponses autistes des «sans-culottes» du système au pouvoir (promesses d’emplois, transferts sociaux, augmentations diverses…) sont en complet décalage avec la revendication sociale qui aspire à la dignité, à la liberté de conscience et d’expression, à la participation et l’activité politique… Un système agonisant qui n’en finit pas de mourir. Comment gérer les transitions en économisant le sang des populations des pays arabo-musulmans et en particulier celui des Algériens, telle est aujourd’hui la question ?
Le slogan mobilisateur du mouvement pour le changement n’est pas de nature religieux et ôte à ceux qui l’ont utilisé le spectre de l’islamisme qui a longtemps justifié les dictatures. La dignité humaine, même pas les droits de l’homme, devient le porte-drapeau «des damnés de la terre» et le mythe fondateur d’une lame de fond qui n’épargnera aucun pays, l’Algérie incluse.

Dr Mourad Goumiri. Président de l’ASNA (Association des universitaires algériens pour la promotion des études de sécurité nationale)


Notes de renvoi :

1) Le service, au ministère français de l’Economie, de défiscalisation des commissions et autres honoraires distribués comme «mesures d’accompagnement» à la signature des contrats, a été normalement dissout sur décision européenne, mais ses archives sont toujours biens conservées par chaque pays.  A l’évidence, d’autres formules ont été mises en œuvre depuis.
-2) Il est singulier d’entendre certaines capitales occidentales dire qu’elles ont «gelé» les avoirs de tel ou tel dictateur, car cela signifie qu’elles avaient parfaitement connaissance des commissions perçues et des processus de blanchiment mis en œuvre pour les transformer en entreprises, biens immobiliers, autres placements boursiers et rentes viagères… 
-3) Tous les pays cocontractants souhaitent voir mourir les dictateurs de peur qu’ils ne dévoilent des documents compromettants contre eux. Le bras de fer franco-libyen actuel n’a pas révélé tous ses dessous-de-table.
-4) Le spectre de monarchie constitutionnelle, du type anglaise ou espagnole, angoisse les pays du Golfe et le Maroc… le Bahreïn risque d’être le premier à ouvrir la voie. 
-5) Le roi Hassan II a dû léguer à son fils, Mohamed VI, une sacrée collection d’enregistrements intimes, de toutes les personnalités (de toutes nationalités) qu’il a invitées à la Mamounya de Marrakech et ailleurs, pièces maîtresses de sa politique étrangère.
-6) Cette théorie, déjà testée contre le communisme dans un monde bipolaire Est-Ouest, a été de nouveau conceptualisée et mise en œuvre par  G.W Bush et ses gourous néoconservateurs (Perle, Hutchinson notamment) pour lutter contre le terrorisme.   
-7) Les réfugiés politiques, accueillis par les pays occidentaux et aux USA, étaient plus en  résidence surveillée chez ces derniers, qu’en activité réelle d’opposition, ce qui arrangeait tout le monde.
-8) L’Algérie a toujours versé le prix du sang le plus fort chaque fois qu’elle a voulu accélérer l’histoire de sa nation.
-9) Certains ont avancé l’idée du refus du choix entre la «peste ou du choléra».
-10) En Algérie les évaluations les plus optimistes parlent de 50 000 morts et ceux les plus pessimistes de 200 000 morts, durant la décennie noire.
-11) Certains parlent de «révolution» ce qui est antinomique et contradictoire puisque qu’il s’agit d’une action spontanée non partisane et avec des slogans non idéologiques.
-12) La République marocaine va naître dans la violence, après le discours récent de verrouillage constitutionnel du roi Mohamed VI, qui tranche avec l’article perspicace et avant-gardiste de son cousin, Hichem Ben Abdallah El Alaoui, paru dans Le Monde diplomatique de février 2011.
-13) Les transactions immobilières et autres comptes bancaires, abrités dans les banques occidentales, ne pouvaient passer inaperçus pour leurs services de renseignements qui alimentent en informations la presse nationale et internationale, autant que de besoin.
http://www.elwatan.com/contributions/idees-debats/quels-interets-strategiques-defendent-les-pays-occidentaux-dans-les-pays-arabo-musulmans-10-09-2011-139165_240.php
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Le néolibéralisme et l’illusion démocratique
Bernard CONTE
A partir de la fin des années 1970, le néolibéralisme a été imposé au détriment du libéralisme régulé qui fonctionnait sur la base redistributive du compromis fordiste au Nord et du nationalisme – clientéliste au Sud (1). Pour les capitalistes, il s’agissait de lutter contre la crise du profit, qu’ils considéraient principalement engendrée par l’inflation des demandes de redistribution de revenus adressées aux États.

Pour eux, en obérant les profits, les revendications sociales et politiques rendaient les démocraties progressivement « ingouvernables ». En effet, le jeu de la démocratie faisait que les règles de partage de la valeur ajoutée, à l’époque plus favorables aux salariés, étaient progressivement inscrites dans la loi, à travers ce qu’on pourrait qualifier de « constitutionnalisme social ».
Pour sortir de la crise, il fallait refermer la parenthèse des Trente glorieuses des salariés pour ouvrir celle des Trente glorieuses des financiers. Le passage au néolibéralisme a accompagné et a justifié l’extension géographique ainsi que l’intensification du capitalisme financiarisé favorisées par la dérégulation. Au service de la finance internationale, les politiques néolibérales se focalisent sur la croissance des profits et sur la réduction corrélative des coûts salariaux directs et indirects. Cela signifie la réduction du périmètre de l’État, la casse de l’État-providence ou de l’État nationaliste - clientéliste, la privatisation des rentes publiques..., avec pour conséquence, la paupérisation du plus grand nombre et l’euthanasie des classes moyennes.
En régime réellement démocratique, malgré le battage médiatique et la duplicité des élites politiques, un tel programme ne peut remporter, dans la durée, l’adhésion d’une majorité d’électeurs. Ainsi, la première mouture des réformes néolibérales, issue du consensus de Washington, s’est heurtée à un obstacle politique multiforme. Afin de poursuivre les processus engagés et de contourner ledit obstacle, les oligarques ont décidé de dénaturer la démocratie et de la rendre virtuelle afin que les populations n’aient plus aucune emprise sur les décisions politiques. Pour ce faire, le pouvoir de l’État central a été atomisé tant vers des instances supérieures qu’inférieures. De plus, le champ des options politiques a été réduit par l’enchâssement du néolibéralisme dans le droit, enchâssement réalisé dans le cadre d’un « constitutionnalisme économique », et complété par un système de « soft law », pour imposer la bonne gouvernance néolibérale « consensuelle ».
Pour l’oligarchie, la crise actuelle représente une opportunité pour le renforcement du pouvoir néolibéral et pour l’accélération corrélative du délitement de la démocratie.
La crise de gouvernabilité engendrée par les dérives du fordisme et les excès de la démocratie
Au cours de la parenthèse fordiste des Trente glorieuses, le compromis entre le capitalisme industriel et les salariés a progressivement donné lieu à des « débordements » revendicatifs coûteux, obérant largement les profits. Cette tendance, doublée d’une prise de conscience politique des populations, a conduit à une crise de gouvernabilité au Nord.
Par exemple, le rapport de la Trilatérale : La crise de la démocratie (2), publié en 1975, met en lumière la redécouverte par les économistes « du cycle de cinquante ans de Kondratieff, selon lequel 1971 (comme 1921) marquerait le début d’un ralentissement économique durable dont les pays capitalistes industrialisés ne devraient pas émerger avant la fin du siècle (3) ». De plus, lesdits pays sont confrontés à des divers problèmes : « l’inflation, les pénuries de matières premières, la stabilité monétaire internationale, la gestion de l’interdépendance économique, la sécurité militaire et collective (4)… ». Enfin, les dérives du processus démocratique ont notamment engendré « une surcharge de demandes adressées à l’État qui dépassent sa capacité à y répondre (5) ».
Comme « les demandes adressées à un gouvernement démocratique croissent, tandis que les capacités du gouvernement stagnent (6) », les démocraties deviennent ingouvernables.
Changer de cap en imposant le néolibéralisme
Il était urgent de réagir pour rétablir les conditions d’une exploitation optimale des travailleurs par le capital. La crise des années 1970, qui frappe le Nord avant de se propager aux pays du Sud, va donner l’occasion de revenir sur les concessions accordées aux salariés en déconstruisant le développement autocentré (principalement centré sur le développement du marché intérieur) que ce soit le fordisme au Nord ou le nationalisme-clientéliste au Sud.
Cette déconstruction passe par l’imposition des politiques monétaristes du consensus de Washington (7), qui visent à réduire drastiquement la consommation « improductive » de surplus (en termes de profits privés) par l’État-providence au Nord et par l’État nationaliste au Sud.
Pour les capitalistes, à travers la dérégulation, la privatisation, la libéralisation commerciale et financière, la « défaisance » de la protection sociale, la destruction des systèmes clientélistes…, il s’agissait de revenir sur les concessions accordées précédemment aux salariés.
Qui se heurte à l’obstacle politique
La faisabilité politique du traitement de choc néolibéral du consensus de Washington s’est avérée plus difficile que prévu. Les conséquences sociales négatives de l’ajustement monétariste, beaucoup plus flagrantes dans les pays du Sud, ont engendré des critiques, des résistances et des oppositions, parfois violentes (8).
La stratégie des élites politiques pour imposer l’ajustement, consistant à diviser et à opposer, a montré ses limites. Malgré les tentatives permanentes de manipulation de l’opinion publique par des actions de communication efficaces, il subsistait, en raison du jeu de la démocratie, des possibilités d’arrivée au pouvoir d’éléments moins favorables à la mondialisation néolibérale, voire opposés. Par exemple, des personnalités politiques opposées à la mondialisation néolibérale, au moins dans leur discours, ont été élues au sommet des États notamment en Amérique Latine, pré carré des États-Unis.
Devant la menace, il fallait réagir.
Contourner l’obstacle politique par l’ordolibéralisme
A la fin des années 1990, pour calmer les critiques et éviter tout « dérapage » démocratique nocif pour les affaires, le capitalisme financiarisé a adopté, à travers ses représentants officiels ou officieux, un discours plus politiquement et socialement porteur de consensus, entérinant le passage du monétarisme à l’ordolibéralisme (9).
La nouvelle rhétorique intègre un vocabulaire à connotation faussement sociale- démocratique-interventionniste, pseudo keynésienne… qui prépare les esprits à « l’économie sociale de marché » purifiée mise en œuvre par le post-consensus de Washington. Sous couvert d’une novlangue, il s’agit simplement de poursuivre les processus engagés lors de la phase monétariste et de pérenniser les politiques néolibérales en les rendant incontestables.
Pour ce faire, il convient de les inscrire dans la loi, et plus précisément dans la loi fondamentale qu’est la Constitution, pour réduire au maximum la possibilité de mise en œuvre de projets politiques alternatifs. Il faut réellement en finir avec le constitutionnalisme social des Trente glorieuses et passer définitivement au constitutionnalisme économique qui enchâsse la « gouvernance » néolibérale dans le droit. Le dispositif de réduction des degrés de liberté du politique est complété par la mise en avant d’un système de « soft law » comprenant notamment les agences de notation, les institutions financières internationales…
Au total, il s’agit d’enfermer le politique dans le carcan néolibéral, afin de rendre la démocratie inopérante tout en essayant de préserver l’illusion populaire de son fonctionnement effectif.
Et par l’approfondissement de la démocratie virtuelle
La démocratie virtuelle a une base formelle dans le vote des citoyens, mais le processus de décision politique, au moins concernant les domaines importants, est isolé de la participation et du contrôle populaires. Il s’agit de maintenir une démocratie de façade, et de déplacer la réalité du pouvoir vers de nouveaux centres isolés de toute influence populaire.
Amorcée de longue date, la dynamique de « virtualisation » démocratique s’opère à travers : (i) l’effeuillage du pouvoir de l’État central (10) vers le haut en direction d’instances supranationales et vers le bas par la décentralisation (11) ; (ii) la prise en compte d’acteurs dits « apolitiques », complices ou simplement manipulés.
Cette dynamique engendre l’atomisation, l’isolement et l’autonomisation des centres de pouvoir du niveau international au niveau local, en passant par les niveaux intermédiaires. Elle engendre aussi la « dilution » des responsabilités des décideurs que vient compléter un dispositif, sans cesse étendu, d’immunité assurant l’impunité.
Les élites politiques peuvent, sans risque, œuvrer en faveur du capitalisme financiarisé en imposant le néolibéralisme. Il s’agit d’encadrer strictement l’intervention de l’État quand elle est au service des populations. A tous les niveaux (local, régional, national, communautaire, international), l’intervention publique ne doit pas entraver, ni même contrôler les activités du capitalisme financiarisé.
La crise actuelle : une crise de légitimité des élites
Par contre, lorsque le système entre en crise, l’intervention publique, salvatrice pour le capitalisme financiarisé, se fait massivement et durablement. Les populations sont sommées d’accepter d’endosser la socialisation de la gabegie des institutions bancaires et financières. Pour le justifier, les élites politiques usent d’un double langage.
La crise cesse alors d’être simplement financière ou économique, elle devient inévitablement politique. C’est une crise globale de légitimité des élites politiques.
Les premiers, les pays du Tiers-monde ont connu une telle situation, lorsqu’au début des années 1980, ils se sont trouvés écrasés par une dette extérieure insoutenable. Malgré le caractère « odieux (12) » de la majeure part de cette dette, les dits pays ont été placés sous la tutelle des institutions néolibérales (FMI, Banque Mondiale, OMC…) pour faire payer la note aux populations. Dans ce contexte, les élites politiques nationales « complices » ont eu beau jeu d’incriminer, dans le discours officiel, les institutions financières internationales pour mettre en œuvre les politiques de prédation et de paupérisation dont elles espèrent recueillir quelques miettes.
Aujourd’hui, la crise grecque révèle l’extension de ce schéma aux pays du Nord. La Grèce préfigure la Tiers-Mondialisation de l’Europe (13).
Bernard Conte
Bernard Conte est enseignant - chercheur à l’Université Bordeaux IV et à Sciences Po Bordeaux.
(1) Texte rédigé à partir d’une communication présentée aux rencontres : Actualité de la pensée de Marx, organisées par Espaces Marx Aquitaine, Sciences Po Bordeaux, décembre 2010.
(2) Michel Crozier, Samuel P. Huntington, Joji Watanuki, The crisis of democracy, Report on the governability of democracies to the Trilateral Commission, New-York, New York University Press, 1975.
(3),(5),(6) Idem ; p. 3-9.
(7) Voir : Bernard Conte, Le consensus de Washington, Bordeaux, 2003.
(8) Une des première critiques, Cf. Bernard Conte :
L’ajustement à visage humain, Bordeaux, 2003.
(9)Sur l’ordolibéralisme ou néolibéralisme allemand, voir : Bernard Conte, La Tiers-Mondialisation de la planète, Bordeaux, PUB, 2009, p. 54-60 ; François Bilger, « L’école de Fribourg, l’ordolibéralisme et l’économie sociale de marché », 8 avril 2005.
(10) Cet effeuillage s’opère en vertu du principe de subsidiarité qui présente une double dimension : verticale et horizontale, cf. Bernard Conte, La Tiers-Mondialisation de la planète, op. cit. p. 194-198.
(11) Les lois Defferre de 1982 marquent l’origine du processus de décentralisation en France.
(12) Une dette est dite « odieuse » lorsqu’elle a été contractée pour des objectifs contraires aux intérêts de la nation et aux intérêts des citoyens.
(13) Bernard Conte, La Grèce préfigure la Tiers-Mondialisation de l’Europe, Contreinfo.info, 16 mars 2010.
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Discours de partis sans programmes

C'est parti! Certains de nos partis politiques sont plus «performants» que ces espèces d'escargots qui restent recluses dans leur coquille jusqu'à la saison des pluies. Plus «performants» car ils peuvent rester ainsi quatre cycles durant et n'apparaissent qu'au cinquième. Depuis quelques jours la scène politique bruit de ces partis qu'on croyait disparus depuis fort longtemps. Des sigles et des visages que la mémoire réussit difficilement à «remettre». Les revoilà donc, par les législatives attirés, mêler leurs sonorités à la dizaine (pour être généreux) de formations politiques qui composent, plus ou moins régulièrement, le paysage politique de notre pays. Dans cette «foire» aux discours qui s'ouvre, rien, jusqu'à présent, ne permet de distinguer les uns des autres. Ils parlent tous de «régularité du scrutin», de «neutralité de l'administration», de «transparence», du «peuple souverain»,...C'est-à-dire de leur «salade» interne dont le «peuple souverain», qu'ils s'efforcent, au passage, de «caresser», en fait son dernier souci. Non, ne croyez pas qu'ils tournent ainsi autour du sujet juste pour le début de leurs réapparitions. Il en sera ainsi avant, pendant et après le scrutin. Et savez-vous pourquoi? Parce que c'est le seul «programme» dont ils disposent. C'est leur manière de «noyer le poisson». Mais peut-on leur en faire grief quand ceux qu'on désigne pompeusement «grosses cylindrées» ne font pas mieux. L'Algérie est en proie à des fléaux comme la corruption, la drogue et le «terrorisme» routier pour ne citer que cela. Quel est le parti politique, «grand» ou petit qui propose «sa» solution? Si le chômage recule, si le logement avance, si l'agriculture «décolle», si la santé se «dope» pour éliminer des «microbes» particulièrement résistants, dans tous ces domaines un sérieux travail reste à faire. Quelle est la formation politique qui se présente avec un plan contre, ne serait-ce qu'un seul de ces problèmes? Du plus grand au plus petit de ces partis, l'art consiste à dire «il faut en finir avec tel ou tel problème». A la manière de l'incantation. Pas un seul n'aborde le «comment?». La piètre image qui se dégage de ce constat est que les partis joignent leurs «pleurs» à ceux des électeurs. Rien de plus. Le problème est que cela dure depuis plus de 20 ans. L'Algérie et les Algériens progressent, pas eux. Ou plutôt sans eux. Alors imaginons que le principe d'une assemblée constituante ait été retenu comme l'ont exigé certains de ces mêmes partis. Une assemblée, constituée de ces partis, qui nous offrirait son «magistrat suprême». Ce serait une Algérie à la «va comme je te pousse!». A l'improvisation et la roulette russe. On ne vous dit même pas comment aurait été gérée, avec cette forme de gouvernance, la période de grande turbulence traversée par toute la région. On ne vous le dit pas car on ne veut même pas y penser tant cela aurait été tragique. On ne le dit pas non plus car tous les Algériens aujourd'hui le savent. Ils le savent si bien qu'ils n'autorisent aucun parti à s'ingérer dans l'expression de leurs mécontentements. Et aucun parti ne s'aventurerait à s'approcher de la foule en proie à la contestation. Que ce soit pour un dos-d'âne ou la distribution de logements. Comme s'ils vivaient sur une autre planète, les dirigeants de partis continuent à discourir dans le vide. Et lorsqu'ils récolteront les résultats qu'ils méritent au prochain scrutin, ils ont déjà la réponse. «C'est la faute à la fraude!», crieront-ils. La chanson est connue puisque c'est le même refrain depuis toujours. Et quelles que soient les garanties offertes, cette fois n'échappera pas à la règle. Pourquoi? Parce qu'ils n'admettent pas récolter du vent quand ils n'ont semé que cela. A la manière des escargots qui attendent que la pluie tombe du ciel!

Par Zouhir MEBARKI -
http://www.lexpressiondz.com/edito/146424-discours-de-partis-sans-programmes.html
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Entretien avec M.Rocard

 
Vous faites dans votre livre un vibrant plaidoyer pour le nucléaire civil…
(..)  Le volume d’énergies fossiles disponibles va commencer à baisser d’ici deux ou trois ans, à un rythme vertigineux. C’est un fait.
(…).  L’importance de ce qu’il faut faire passer dans l’opinion concerne surtout les énergies renouvelables. Nous avons tous envie d’une énergie qui ne tue plus et nous avons tous envie d’une énergie qui respecte notre écologie. Malheureusement, nous ne disposons pas encore de solutions scientifiques qui rendent les énergies renouvelables assez accessibles financièrement pour qu’elles s’intègrent dans le fonctionnement de nos économies. L’éolien et le solaire, les deux plus diffusées, ne permettent pas de faire du kilowatts-heure par milliards. Or il nous en faut des centaines de milliards. Des pays comme le Danemark et l’Allemagne, qui ont joué cette carte trop fort trop vite, vont avoir des problèmes car ils vont devoir payer l’éolien à des prix exorbitants. Le sujet du nucléaire, on y arrive par différence. Et donc, on y arrive… Si on ne trouve rien, en l’état actuel des choses, on va vite arriver à un moment où la baisse très forte des énergies fossiles disponibles va se traduire par une baisse tout aussi forte du Produit intérieur brut (PIB). (…)
Le dernier livre de M.Rocard : "Mes points sur les I "
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